Apprendre la lecture aux élèves en difficulté : plus les textes sont complexes mieux ça marche !

Une recherche de J. Deauviau portant évaluation des méthodes et manuels de lecture pour le CP vient a été réalisée il y a 2 ans par un labo du CNRS. Les résultats et les enseignements inédits de cette enquête méritent l’attention. Contrairement à ce que l’on pourrait penser instinctivement : plus les textes sont complexes, mieux l’enfant intègre la lecture.

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La conclusion de la note de synthèse est très parlante :

“On remarque conjointement qu’à l’inverse d’un présupposé pédagogique très répandu le manuel qui se révèle le plus efficient avec les élèves des milieux les plus défavorisés est aussi le plus exigeant non seulement dans l’apprentissage technique du code, mais aussi dans ses contenus intellectuels, de par l’ambition lexicale et littéraire des textes qu’il propose à la lecture des élèves. Ces observations rappellent a contrario combien la culture professionnelle des enseignants du primaire reste aujourd’hui fortement marquée par la thématique de la rénovation pédagogique des années 1970/80. L’apprentissage du déchiffrage est souvent vécu comme le « sale boulot » de l’enseignement de la lecture, comme un temps soustrait à l’essentiel, le travail sur la compréhension, dont les publics populaires sont estimés avoir un besoin prioritaire. Ce qui explique sans doute la diffusion si paradoxalement faible de la méthode syllabique dans les quartiers les plus défavorisés, comme nous l’avons constaté.”

Au delà de la question de l’apprentissage de la lecture, cette étude insiste sur la nécessité de maintenir des exigences scolaires élevées auprès des publics en difficulté afin notamment de lutter contre les inégalités scolaires et le creusement des écarts.

Voici les liens pour accéder au rapport et à la note de synthèse :

Note de synthèse :

http://www.uvsq.fr/medias/fichier/note-de-synthese-enquete-lecture_1384510510448-pdf

Rapport :

http://www.uvsq.fr/medias/fichier/rapport-enquete-lecture_1384503420148-pdf

« Avec la classe inversée, ce sont les élèves qui travaillent » : M. Soulié, prof de français, explique le principe de la classe inversée au collège

« J’ai fait enlever mon bureau. Je m’assois avec les enfants ». Professeure de français au collège Daniel Argote d’Orthez, Marie Soulié applique avec bonheur la classe inversée. Elle décrit ses pratiques pédagogiques et en montre les impacts sur les élèves et son propre travail. Dans son collège où les élèves sont dotés d’une tablette, la clase inversée apaise la classe parce que les élèves sont enfin au travail.

Racontez nous une séquence pédagogique avec la classe inversée

Je peux prendre en exemple une séance sur le Bourgeois gentilhomme en 5ème. On a vu plusieurs extraits de mise en scène de la scène 2. Je donne aux enfants une capsule vidéo qui vise différents types de comique en leur demandant ce qui fait rire. Cette capsule est une sorte de mise en bouche qui ne vise pas à faire le résumé d’une leçon mais à préparer le travail du lendemain. Les élèves remplissent un questionnaire Google Form.

Le lendemain les élèves se positionnent dans la classe. Je l’ai organisée en ilots parmi lesquels « l’ilot des curieux ». Là je suis avec un groupe et je réponds à leurs questions pendant 5 minutes. C’est un rituel que j’ai institué. On corrige le questionnaire. Après ce temps d’échange on passe à le construction à travers l’exécution d’une tâche complexe : il faut imaginer l’affiche d’un festival de cinéma comique et faire une carte mentale. Les élèves doivent comprendre qu’ils doivent associer 4 types de comique à 4 films. En dernière étape on affiche au tableau et on corrige ensemble. On se met d’accord sur la carte mentale qui sera la trace écrite du cours.

Comment organisez vous les groupes d’élèves ?

La règle c’est qu’ils doivent mélanger garçons et filles et que les groupes doivent tourner. J’ai fait enlever mon bureau et le m’assois avec les groupes pour observer et conseiller. C’est important d’être cote à cote avec eux et aussi de donner les coups de pouce nécessaires. Je suis la plus discrète possible mais j’interviens, je pose des questions, je demande à ce qu’on m’explique tel ou tel point. Du professeur qui distribue la parole, je deviens celui qui accompagne et qui facilite. Au final, c’est moi qui organise.

N’est ce pas prendre le risque que les élève se trompent ?

Mais c’est très bien qu’ils se trompent. C’est intéressant une erreur. Elle va être prise en charge par la classe. Souvent  le groupe se rend compte des raisons qui l’ont poussé à faire une mauvaise hypothèse. De toutes façon à la fin de la séquence il y aune carte mentale validée par  moi. La trace écrite prend appui sur quelque chose de juste.

Est-ce efficace ?

Je n’ai pas d’évaluation scientifique. Mais je peux témoigner de mes observations. Dans mon collège on a un cahier des manquements pour le travail non fait. Avant la classe inversée c’était ingérable tellement il y avait d’élèves qui ne faisaient pas le travail à la maison. C’ets ce qui m’a poussé à changer ma pédagogie. Maintenant ils n’ont plus de devoir à la maison mais une capsule à regarder et une fiche à compléter, à mettre en ligne avec éventuellement des questions à poser. Ca se limite à ça. Résultat : le travail à la maison est fait. J’ai dix fois moins d’élèves signalés dans le cahier des manquements. Quand je leur demande pourquoi c’est come cela ils me disent « madame ce n’est pas du travail ». Le fait de ne pas les mettre en  difficulté à la maison ça leur donne envie d’essayer. Du coup, si tu n’as pas vu la capsule, t’es un ringard !

Les parents disent quoi ?

Je leur explique ma démarche. Ce qu’ils me disent en fin d’année  c’est qu’ils sont débarrassés d’une contrainte. Ils n’ont plus à dire à leur enfant « fais tes devoirs ».

Mais ce temps là n’est il pas pris aux dépens des autres disciplines ?

Non car le travail demandé est beaucoup plus court. Avant je donnais 10 minutes de travail à la maison. Maintenant c’est deux minutes.

Pour vous n’est ce pas chronophage ?

Oui au début il faut tout construire et apprendre à faire la capsule vidéo par exemple. Avec la pratique on apprend à se servir rapidement d’un outil qui plait, comme Adobe Voice pour moi. Je le maitrise bien et je vais vite. Et puis on échange entre nous des capsules. Maintenant on est 30 enseignants et on a un stock de 300 capsules qui balayent tout le programme du collège.

Ce qui nous lie ce n’est pas la capsule mais la pédagogie qui est derrière. Une mise en travail des élèves à travers des tâches complexes. Ce qui a changé c’est que maintenant les élèves sont au travail au lieu d’écouter.

Propos recueillis par François Jarraud pour le Café Pédagogique.

Le site de mutualisation

Le blog de Marie Soulié

Marie Soulié dans le Café pédagogique

 

« Une Idée folle » : un documentaire dans huit écoles et un collège innovants (publics et privés) qui montre que ça bouge !

« La façon dont on éduque les enfants conditionne la société dans laquelle on vit »
Article rédigé par Thierry Keller & Juliette Michel. Source : Usbek et Rica.

En 1964, France Gall chantait, dans « Sacré Charlemagne », ce refrain connu par des générations d’élèves : « Qui a eu cette idée folle, un jour, d’inventer l’école ? » 53 ans plus tard, la jeune réalisatrice Judith Grumbach s’est souvenue que l’école n’aurait jamais dû cesser d’être cette « idée folle » qui émancipe des millions d’élèves. Dans « Une idée folle », un joli documentaire co-produit par Ashoka France, elle pose sa caméra dans des écoles où les élèves s’entraident les uns les autres et où les profs nous donneraient presque envie de remettre un cartable sur le dos. Usbek & Rica a décidé de soutenir ce feel good docu et rencontré son auteure à Paris, avant une tournée des salles dans tout le pays.  

D’où vient l’idée de faire un film sur l’école, un sujet à la fois très traité, et peu glamour ?

J’ai commencé à développer une obsession pour le sujet début 2015, après les attentats. Des élèves ayant grandi à l’école de la République avaient décidé de tuer d’autres Français. Dans quelques endroits – et quelques endroits seulement – on n’a pas réussi à faire respecter une minute de silence alors que 17 personnes étaient mortes… Je me suis demandée comment on avait pu en arriver à cette fracture-là. On avait vraiment raté un truc énorme. Du coup, j’ai commencé à me plonger dans ce sujet et c’est à ce moment-là qu’Ashoka m’a appelée pour me demander d’aller filmer des écoles soutenues par le réseau et de faire des petites vidéos de 3 minutes. Je suis revenue de 4 jours de tournage avec 26 heures d’images. Du coup, on a décidé que ça valait la peine de faire plus, pour rendre justice à la richesse de ce que j’avais vu. En particulier aux profs que j’avais rencontrés.

Judith Grumbach sur le tournage d’« Une idée folle »

 Au-delà de leur rendre justice, l’idée était de leur donner du courage ?

Oui, j’ai un respect infini pour eux. Et je suis outrée par certaines déclarations de nos hommes politiques sur les enseignants, certaines insinuations. Il faut absolument revaloriser ce métier.

Qu’est-ce qui distingue les huit écoles et le collège que tu as filmé des établissements traditionnels ?

C’est le projet des équipes pédagogiques. En plus des savoirs fondamentaux, on y développe chez les élèves la confiance en soi, la coopération, l’empathie, la prise d’initiative et particulièrement l’esprit critique avec le but, fou ou pas, d’en faire une génération de citoyens épanouis, responsables, entreprenants et autonomes. Heureux en fait.

« Ça suffit de former des gens « intelligents » »

C’est un film politique ?

Oui, bien sûr. Le sujet de l’éducation est on ne peut plus politique. Quand un dictateur arrive au pouvoir, il s’occupe en général de ce sujet en premier, c’est le nerf de la guerre. Il y a cette lettre d’un rescapé des camps qui dit : « Mes yeux ont vu ce que personne ne devrait voir : des chambres à gaz construites par des ingénieurs. Des enfants empoisonnées par des médecins éduqués. Des bébés tués par des infirmières formées. (…) Donc je me méfie de l’éducation. » Ça suffit de former des gens « intelligents ». L’éducation est un projet politique parce que la façon dont on éduque les enfants conditionne la société dans laquelle on vit. Et je pense qu’on peut évoluer. Il y a un tas de choses qu’on trouvait normales il y a cinquante ans qui, aujourd’hui, nous paraissent atrocement choquantes. La première petite fille noire à aller dans une école blanche, c’était en 1960 aux États-Unis.

École Living School à Paris (75)

Ce qui est frappant, c’est que tu parles d’« école du XXIe siècle », mais que les outils utilisés sont souvent inspirés par des pédagogies (Montessori, Freinet) qui datent du début du XXe siècle. Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi n’a-t-on jamais vraiment généralisé ces méthodes qu’on semble redécouvrir aujourd’hui ?

C’est évident qu’il y a une contradiction à parler d’innovation quand on parle de méthodes qui, pour beaucoup, sont nées au début du XXe siècle. Je ne suis pas historienne et j’avoue que pour moi, c’est un peu un mystère. La première explication, c’est peut-être qu’elles sont nées dans l’entre-deux guerres et qu’après il y a eu la seconde guerre mondiale, qui a un peu stoppé net leur développement. Pourquoi ne se sont-elles jamais généralisées après ça ? Ça paraît être tellement du bon sens qu’il m’est très difficile d’expliquer que ça soit encore aujourd’hui considéré comme « alternatif » ou, pour certains, dangereux…

Voire élitiste…

Oui, c’est vrai. Mais l’accusation d’élitisme vient du fait que ces pédagogies ne sont pas disponibles partout, même si dans le film, 5 établissements sur 9 sont dans le public.

Une petite majorité seulement…

Ce que je veux dire, c’est que l’accusation d’élitisme n’est pas liée à la pédagogie elle-même, elle est liée au fait que cette pédagogie ne soit pas généralisée à l’école publique.

« L’éducation et l’instruction, ça ne marche pas l’un sans l’autre »

Peut-être est-ce aussi lié au fait que l’école du siècle dernier était une école de masse tandis qu’on parle aujourd’hui d’école « pour chacun » ?

Mais cette idée de prendre en compte l’individualité de l’élève était déjà défendue par Mario Montessori ou Célestin Freinet. Donc ce n’est pas nouveau. À la seconde où j’ai posé ma caméra dans ces écoles, je me suis dit : mais pourquoi est-ce que ce n’est pas comme ça partout ?

La Maison de l’enfant à Boulogne-Billancourt (92)

Tu ne crois pas que c’est parce que le débat ancestral entre « éducation » et « instruction » a été remporté par les partisans de l’instruction ?

Alors, ça c’est un débat qui m’apparaît vraiment, mais alors vraiment, non pas anachronique, mais absurde. Emmanuel Davidenkoff (journaliste et essayiste spécialiste de l’éducation, qui intervient à maintes reprises dans le film, ndlr) le dit très bien : « C’est un débat déraciné. Je n’ai jamais vu un prof entrer dans une classe en se disant, « moi je veux transmettre mes savoirs et je me fous complétement de savoir si les élèves vont avoir retenu quoi que ce soit à la fin du cours » et je n’ai jamais vu non plus un prof se dire : « ah bah c’est génial on va passer un super moment avec les élèves et je me fous totalement de savoir s’ils ont appris quelque chose à la fin » ». Bref, c’est un débat hors sol : l’éducation et l’instruction, ça ne marche pas l’un sans l’autre.

« La base, c’est l’estime de soi et la confiance en soi de l’élève, mais aussi du prof »

Elle a pourtant été hyper théorisée, cette tension.

Mais ça n’existe pas dans la salle de classe ! Pour transmettre des savoirs, il faut comprendre comment un élève apprend. Un élève n’apprend pas dans une situation de stress, par exemple. L’instruction pure, froide, sans émotions, sans affect, c’est un truc qui est complètement fantasmé. On ne peut pas non plus apprendre à un élève à lire, écrire et compter s’il est totalement persuadé qu’il est nul. La base, c’est l’estime de soi et la confiance en soi de l’élève, mais aussi du prof, car un prof ne peut pas aider un élève à développer sa propre confiance si lui-même n’a pas eu l’occasion de le faire. À l’inverse, on ne peut pas devenir citoyen sans savoir lire ou écrire, ou sans savoir d’où on vient, et donc connaitre l’histoire. Il faut arrêter d’opposer savoirs et compétences, ils se nourrissent l’un l’autre.

Quand on voit les profs dans le film, on se dit que ceux qui bénéficient de leur enseignement ont beaucoup de chance et que ça doit être très difficile de généraliser ce type de méthodes dans un État centralisé comme le nôtre.

Je ne crois vraiment pas. Tout est une question de formation, et aussi de posture : soit on décide de valoriser les enseignants, de leur faire confiance, soit on décide d’être dans un système de contrôle. C’est François Taddei (autre grand témoin qui intervient dans le documentaire, ndlr) qui le dit dans le film : tant qu’on nommera des « inspecteurs », il y aura un problème, même si on change leurs missions. Un « inspecteur », ça dit énormément de la psychologie du système éducatif français. Il faut permettre aux enseignants de faire leur travail. Il faut les former correctement, leur faire confiance, leur permettre d’avoir accès à un conseiller pédagogique, à une formation continue… Il faut favoriser la culture de l’innovation, encourager ceux qui essayent des choses. Et en finir avec cette idée que l’échec est la pire chose au monde parce que le fait de ne pas pouvoir se tromper bloque d’emblée la possibilité d’essayer quoi que ce soit. Pour les élèves comme pour les professeurs d’ailleurs.

 « Derrière la question du rôle de l’école, il y a une plus grande question : quelle société a-t-on envie de construire ? »

Les profs de ton film sont-ils une avant-garde ou bien sont-ils plus nombreux qu’on le pense ?

Ce qui est sûr, c’est qu’ils ne sont pas seuls.

Est ce qu’ils se sentent seuls ?

Je n’ai pas interviewé les seuls dix ou quinze profs qui font ça en France. Ils sont représentatifs d’un mouvement. Depuis qu’on a mis la bande annonce sur Facebook, on a plus de 600 000 vues et 10 000 partages. Ça veut dire que le sujet a une prise directe avec le réel, qu’il y a des gens qui se sentent concernés, et qui se sont reconnus. Alors ça ne veut pas dire que c’est la majorité, mais je pense que les profs font comme ils peuvent avec ce qu’ils ont. Il y a des profs qui travaillent dans des conditions extrêmement difficiles, et on ne les aide probablement pas assez.

Ils suivent une méthode bien précise, ou est-ce qu’ils pratiquent une sorte de bricolage pédagogique ?

Ils piquent des idées à droite à gauche, ils « font leur sauce », comme le dit Isabelle Peloux dans le film. Mais surtout, ils cherchent et ils se remettent en question en permanence. Chacun amène aussi un peu de ce qu’il est, même si au final, il y a beaucoup plus de points communs que de différences, puisqu’ils visent le même projet de société. Car derrière la question du rôle de l’école, il y a une plus grande question : quelle société a-t-on envie de construire ?

« Quand on apprend à un enfant à avoir confiance en lui, on lui apprend aussi à avoir de meilleures armes pour acquérir des savoirs »

On parle beaucoup du retour à l’uniforme, c’est assez à la mode…

Oui, ce passé fantasmé… Ce qui est étonnant là-dedans, c’est qu’on veut appliquer les solutions du passé à un monde qui n’a rien strictement plus rien à voir. Dans le film, Emmanuel Davidenkoff dit : « Peut-être que c’était mieux avant parce que c’était plus simple, qu’il y avait du travail, etc. Mais si c’est moins bien aujourd’hui, ce n’est pas la faute de l’école ! Si on met au défi l’école d’hier de répondre aux questions d’aujourd’hui, on est complètement à côté de la plaque » Vivons avec notre temps et n’allons pas chercher éternellement dans le passé des solutions à nos problèmes présents – et futurs surtout. On sait aujourd’hui qu’on ne connait pas 60% des métiers que les enfants vont exercer demain. Il faut donc leur apprendre à être capables d’apprendre toute leur vie. C’est ça le piège dans lequel il ne faut pas tomber, cette caricature qui consiste à dire qu’on apprend aux enfants soit à coopérer, soit à lire, écrire et compter. Quand on apprend à un enfant à avoir confiance en lui, on lui apprend aussi à avoir de meilleures armes pour acquérir des savoirs.

Comment faire pour offrir de l’autonomie aux écoles sans les sortir du « tout », c’est-à-dire de la République ? Peut-on réformer intelligemment le système ?

On forme les enseignants, et ensuite on leur fait confiance. Et pour faire évoluer le système, il faut le prendre en tenaille, comme le dit Jérôme Saltet (inventeur du jeu Les Incollables et le co-créateur de l’entreprise Play Bac, Ndlr) dans le film : à la fois aider ceux qui sont sur le terrain et ceux qui sont au ministère – et qui veulent faire changer les choses aussi. Il faut aussi favoriser le travail en équipe. Dans tous les établissements du film, il y a un projet commun à toute l’équipe, une vraie cohérence. On me dit aussi parfois que l’on ne peut pas généraliser ces pratiques, que ça marche parce qu’il s’agit de petits établissements… C’est sûr que ça ne marche pas avec 1500 personnes, mais dans ce cas-là, pourquoi on n’essayerait pas de créer des structures à taille humaine au sein des grosses structures ? Il y a une phrase que j’aime bien : « Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essayent ». Je pense que ça résume pas mal la philosophie du film

Quelles sont les profils sociologiques et géographiques des mômes que tu as rencontrés ? Des petits blancs qui vivent à la campagne ?

Sur les 9 établissements, il y a des villes, des petites villes, des villages, et des tout petits villages. On en trouve dans le Val d’Oise, ou à Bordeaux, dans le quartier du grand parc, qui est un quartier composé à moitié de barres HLM et à moitié d’échoppes, c’est très mixte. Il y a aussi une école dans le XIXe arrondissement de Paris, et une autre à Boulogne-Billancourt. On peut reprocher au film son manque de diversité sociale et ethnique, mais d’abord le collège Clisthène – public – est un bon exemple, et ensuite je pense que ce n’est pas une raison pour dire que ce n’est pas possible ailleurs.

« Il est évident que le problème de la mixité sociale ne peut pas être résolu seulement par ces pédagogies »

Donc villes et campagnes, riches et pauvres…

Oui, évidemment, c’est possible partout. Après, il est évident que le problème de la mixité sociale ne peut pas être résolu seulement par ces pédagogies, et comme je le dis à la fin du film, il y a des prérequis : tout cela est impossible si l’on ne s’assure pas d’abord que les enfants sont en sécurité, qu’ils vivent dans des conditions dignes et qu’ils mangent à leur faim.

La Maison de l’Enfant à Boulogne-Billancourt (92)

Il y a quelque chose qui recense tout ce qui est fait ?

Sur certains sites il y a des annuaires, mais rien de très officiel.

Néanmoins, on sent de l’effervescence…

C’est clair ! Plein d’écoles, d’associations, d’événements se créent. Et beaucoup d’enseignants font évoluer leur pratique, y compris dans le public. Cela montre que des gens attendent quelque chose de l’éducation qu’ils ne trouvent pas pour l’instant. Il faut tenir compte de ce diagnostic-là et en faire quelque chose à plus grande échelle. Moi je crois fondamentalement à l’école républicaine, et je pense qu’on peut tous l’aider à évoluer.

« Je crois à une citoyenneté vivante, dans laquelle on est serait tous impliqués au jour le jour pour exercer nos droits et nos devoirs. Dès l’âge de 5 ans »

Les « valeurs de la République », justement, y sont-elles assez enseignées ?

Parler d’égalité, de liberté et fraternité une heure par semaine en éducation morale et civique ne suffit pas. Scander notre devise républicaine non plus. Il faut lui redonner du sens. « Liberté ? » Pour ça il faut avoir le droit de prendre des décisions, de s’exprimer, de se déplacer dans la classe, de se tromper. « Fraternité ? » On balance ce mot à toutes les sauces, mais la fraternité ça s’éprouve, c’est tout sauf un concept. Tout doit être prétexte à développer le vivre ensemble, à créer du lien entre les élèves. On ne devient pas citoyen à 18 ans parce qu’on a le droit de vote. Est-ce que, vraiment, ça ne pourrait pas être un peu plus que ça, être citoyen ? Est-ce qu’il n’y a pas là un enjeu quand on observe le délitement de nos démocraties ? Moi je crois à une citoyenneté vivante, dans laquelle on est serait tous impliqués au jour le jour pour exercer nos droits et nos devoirs. Dès l’âge de 5 ans. Ça prend une génération de changer un système. Il faut s’y mettre maintenant.

Ça tombe bien, on est en année électorale…

À condition de mettre l’école à l’agenda. Or, pour le moment, ce n’est pas ce que je vois. Avec ce film, on espère participer à créer un débat à la hauteur des enjeux, montrer que c’est le sujet le plus important.

L’école du Colibri à La Roche-Sur-Grâne (26)

Revenons aux élèves, qui sont quand même les personnages principaux du film. On a l’impression qu’ils sont tous heureux. Tu as censuré les passages qu’il ne fallait pas voir ?

Ah ah, non, je n’ai pas caché les élèves qui boudent au fond de la classe ! Il existe une atmosphère particulière dans ces écoles. La façon dont on est accueilli par les profs envoie déjà un message : il y a de la chaleur, de l’ouverture, c’est assez merveilleux, crois-moi. Non seulement les enfants ont l’air épanouis et heureux, mais surtout je ne les ai jamais vus se moquer les uns des autres, tous ces trucs de l’enfance qu’on associe au bizutage, à la loi de la jungle. J’ai vu des élèves en difficultés d’apprentissage, des élèves handicapés, mais au lieu d’être mis au ban, ils faisaient intégralement partie du groupe et leur présence permettait aux autres de développer leur empathie.

Est-ce qu’il ne faut pas un peu des profs exceptionnels humainement pour arriver à un tel résultat ?

Je pense que dans un contexte où la formation est ce qu’elle est, oui, il faut peut-être des individus un peu exceptionnels humainement. Mais si on donne les outils et les ressources à tous les enseignants, ce sera de moins en moins le cas.

On peut former des profs exceptionnels ?

Oui, et surtout former des profs épanouis. Un mauvais prof, c’est d’abord un prof en difficulté.

Une Idée folle, le site :  www.uneideefolle-lefilm.com

La page Facebook : http://www.facebook.com/uneideefollelefilm

 Et sur Twitter : @uneideefolle

Global Teacher Prize : une française en lice pour le titre de « meilleur prof »

Marie-Hélène Fasquel, qui enseigne dans un lycée de Nantes, est la première Française en finale du Global Teacher Prize, un concours international d’enseignement.

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Marie-Hélène Factuel – Photo : Sébastien Salon-Gomis

Marie-Hélène a une furieuse tendance à voir la vie du bon côté. En convalescence, clouée au lit après une opération du dos, cette professeur de lycée parvient quand même à penser que le moment est «idéal»… pour travailler. Pianotant sur son smartphone sous la couette, elle vient de prendre contact avec un enseignant indien que ses élèves pourraient interviewer. Elle correspond aussi avec une classe en Grèce. «Et il faut que je pense à vous envoyer les diaporamas que j’ai faits sur Shakespeare…» On est obligés de lui couper la parole : Marie-Hélène Fasquel, sur son métier, est intarissable.

Son enthousiasme fait mouche. La spécialiste de littérature anglaise, qui travaille depuis trois ans au lycée Nelson-Mandela de Nantes (Loire-Atlantique), vient d’être sélectionnée parmi 20 000 candidats comme finaliste du Global Teacher Prize. Ce concours récompensera de 1 M$ (956 480 €) au printemps le professeur jugé le plus innovant et impliqué dans la réussite de ses élèves.

Donner envie à sa classe

C’est la première fois qu’une Française se hisse à ce niveau. Jusqu’ici, elle avait concouru en catimini. «J’avais un peu honte. S’inscrire au Global Teacher Prize sous-entend qu’on se prend pour… vous voyez, quoi ! Mais ce prix, je ne le veux pas pour moi, je le fais pour les élèves.»

Elle a surtout l’espoir que ses convictions essaiment dans d’autres salles de classe. Son credo ? «Si les jeunes ne travaillent pas assez, c’est parce qu’ils manquent de motivation. Sans envie dans une classe, il ne se passe rien.» Et c’est pour lutter contre l’ennui qu’elle a cherché des voies alternatives, confrontée à une classe faible, dans l’académie de Lille (Nord) où elle a commencé sa carrière, il y a quinze ans.

Depuis, on ne l’arrête plus. Elle convie des grands auteurs à des conférences par Skype, elle fait écrire et jouer des «soap operas» à ses élèves, leur demande de créer des affiches, des cartes mentales, des poèmes, en jouant à la fois sur l’entraide et l’émulation. La prof se passe volontiers de notes, mais court la ville pour chercher «des lots» à remettre aux producteurs de bonnes copies. Les libraires donnent des livres, les banques des objets promotionnels…

Marie-Hélène Fasquel sait à quel point la récompense importe pour les élèves. Elle est encore émue de la réaction de ces lycéens du Nord quand elle est revenue en classe avec un prix européen de l’innovation pédagogique, remis par Microsoft en 2014 pour un projet sur l’écriture de nouvelles. «Si vous aviez vu leurs têtes quand je leur ai donné le certificat d’excellence ! Certains pleuraient tellement ils étaient fiers, et l’un m’a dit, tout étonné : «Ben on n’est pas nuls, alors» ?» C’est pour ce genre d’émotions que Marie-Hélène Fasquel travaille, tout le temps. Même l’été à bord du bateau familial, avec mari et enfants au large des côtes bretonnes, elle branche son ordinateur. «C’est le seul motif de dispute en famille : le temps que je consacre à mes cours. Mais c’est magique, d’exercer un métier qu’on adore.» Elle assure qu’elle aime même corriger ses copies.

Se servir du numérique

Aussi, on n’est guère étonné que la prof ne songe pas une seconde à quitter le navire de l’Education nationale, même si elle remportait le prix de 1 M$. «Je n’ose pas penser à ce que je ferais avec», s’exclame-t-elle avec gourmandise. Mais des idées, bien sûr, elle en a. Elle pense à «une association pour les jeunes laissés pour compte» et à une autre pour promouvoir «des classes sans papier. Il faut penser à l’environnement et en finir avec les tas de photocopies». Et sans s’arrêter, toujours du fond de son lit : «On peut faire des choses super avec le numérique… J’envoie tout à mes élèves avec un logiciel qui s’appelle Dropbox, vous connaissez ?»

La classe inversée

Marie-Hélène Fasquel fait partie des pionniers en France de la classe inversée, une méthode pédagogique encore très débattue mais de plus en plus répandue dans les collèges et les lycées. Le principe est simple : au lieu d’écouter le cours en classe et de s’exercer à la maison, l’enseignante donne la leçon à lire ou à visionner chez soi. Une fois en cours, les élèves se consacrent à la mise en application des concepts et des notions étudiées. Une manière de donner plus de place à l’expression, au débat, à la créativité et l’imagination. L’enseignante a aussi tapé dans l’oeil du jury avec son utilisation intensive des nouvelles technologies, qui permettent à ses élèves des jumelages virtuels avec des élèves du monde entier.

(Article trouvé sur L’Express ou Le Monde : je ne suis plus sûre de la Source… Mea Culpa)

 

A la découverte du jeu de peindre d’Arno Stern

 

J’ai déjà parlé à plusieurs reprises d’Arno Stern ici, mais aussi de son fils André, qui a écrit le livre Et je ne suis jamais allé à l’école que j’ai beaucoup aimé et que j’ai chroniqué avec enthousiasme sur ce blog. Arno Stern a donc défendu l’intérêt de la peinture dans le développement de l’enfant et il a développé les principes auxquels il croyait sous la forme d’un jeu, Le Jeu de peindre, qui se différencie de l’art de peindre comme l’explique son créateur :

« L’art de peindre conduit à une oeuvre qui contient un message et par l’oeuvre, l’artiste communique avec son public. Le Jeu de Peindre est un jeu qui se déroule pendant 1H30 dans le Closlieu, sans finalité de partage de quelconque message avec le public. »

Ce jeu de peindre répond au besoin de Formulation, une manifestation complexe, originale, structurée et universelle de la mémoire organique (mémoire des événements de la formation organique) découverte et étudiée par Arno Stern depuis 1950.

Les conditions de l’émergence de cette formulation sont remplies par le cadre du Jeu de Peindre :

  • un lieu où le participant est à l’abri des pressions, des jugements et des influences
  • la présence des autres comme compagnons de jeu (et non spectateurs)
  • la présence d’un « aidant » qui n’est ni une figure de référence, ni un récepteur d’un message quelconque.

Ressources : Le jeu de peindre à la maison 

Pour en savoir plus, le site d’Arno Stern.

 

Réforme de l’éducation en Finlande : remplacer les matières par des thèmes au lycée

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Le système éducatif finlandais est considéré comme l’un des meilleurs au monde. Il est toujours dans le top dix des classements. Pourtant, les autorités finlandaises ont décidé de réaliser une véritable révolution dans leur système scolaire. Les finlandais veulent supprimer les matières scolaires. Il n’y aura plus de cours en physique, en mathématiques, en littérature, en histoire ou en géographie. Le responsable du Département de l’éducation à Helsinki, Marjo Kyllonen, explique les changements: « Il y a des écoles qui enseignent à l’ancienne, ce qui a été bénéfique au début des années 1900 – mais les besoins ne sont pas les mêmes, et nous avons besoin de quelque chose de bon pour le 21ème siècle. »

Au lieu des sujets individuels, les élèves étudieront des événements et des phénomènes dans un format interdisciplinaire. Exemple: la deuxième guerre mondiale sera examinée du point de vue de l’histoire, de la géographie et des mathématiques. Pour le cours «Travailler dans un café», les étudiants vont absorber un ensemble de connaissances sur la langue anglaise, l’économie et les compétences en communication.

Ce système sera introduit pour les élèves de 16 ans et plus. Les élèves doivent choisir eux-mêmes quel sujet ou phénomène ils veulent étudier, en gardant à l’esprit leurs ambitions pour l’avenir et leurs capacités. De cette façon, les étudiants devront passer par un cours entier tout en se posant la question «Qu’est-ce que je dois savoir pour cela? ».

Le format traditionnel de la communication enseignant-élève va aussi changer. Les élèves ne seront plus assis derrière les pupitres en attendant avec impatience d’être appelés à répondre à une question. Au lieu de cela, ils travailleront ensemble en petits groupes pour discuter des problèmes. La réforme de l’école nécessitera une grande coopération entre les enseignants de différents sujets.

Près de 70% des enseignants ont déjà entrepris des travaux préparatoires pour la mise en place du nouveau système, qui sera déployé d’ici à 2020, et obtiendront en conséquence une augmentation de salaires.

Pour en savoir plus: http://www.strat-up.com/Finlande/reforme-scolaire-finlande.pptx

 

L’ÉCOLE FINLANDAISE : CLÉ DE LA RÉUSSITE DU PAYS

 

Mis en évidence par l’étude comparative PISA menée par l’OCDE, les bons résultats de la Finlande soulèvent beaucoup d’intérêt au plan international. Cet article fait le point et répertorie les avantages du système éducatif le plus encensé au monde.

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Une formation gratuite et de haut niveau garantie pour tous

L’un des points forts les plus remarquables du système éducatif finlandais est qu’il garantit à tous une égalité d’accès aux études, ce indépendamment de l’origine sociale et des moyens financiers des uns et des autres. Plutôt que mettre l’accent sur la comparaison et la mise en concurrence des élèves, l’école élémentaire finlandaise s’attache à soutenir et à guider les élèves en tant qu’individus. Au demeurant, le métier d’enseignant jouit d’une grande reconnaissance et est une filière professionnelle recherchée. La notation des résultats scolaires ne commence en général qu’à partir de la cinquième année du cycle pédagogique. A toutes les étapes du parcours scolaire, les relations entre enseignants et enseignés sont à la fois décrispées et chaleureuses, dès lors que dans le système éducatif finlandais, la motivation des élèves repose sur l’incitation.

Passée l’étape de l’école élémentaire, tout Finlandais a la faculté de s’orienter vers des études générales ou une formation professionnelle tenant compte de ses centres d’intérêt et de sa pente naturelle, ainsi que de poursuivre ses études de toutes les façons possibles tout au long de sa vie. Il faut noter par ailleurs que plus d’un quart des Finlandais obtiennent actuellement un diplôme de l’enseignement supérieur.

L’accès au savoir est gratuit en Finlande, de l’école élémentaire jusqu’aux établissements d’enseignement supérieur. Le financement du système éducatif par la fiscalité est un gage de son haut niveau, comme de l’égalité des chances dont doivent bénéficier tous les élèves et étudiants.

Résultats de la Finlande aux enquêtes internationales

La Finlande se classe dans le peloton de tête de toutes les études PISA de l’OCDE menées depuis 2000 à trois ans d’intervalle. L’étude mesure les aptitudes de collégiens de 15 ans en lecture, mathématiques et sciences de la vie. Il est particulièrement intéressant de noter que les différences de niveau entre élèves des différents lycées concernés sont peu importantes et que le niveau de connaissances s’équivaut en qualité quel que soit le type d’établissement d’enseignement.

Les jeunes Finlandais obtiennent parmi les meilleurs classements de l’étude PISA : 

Résultats de la Finlande 2009 2006 2003 2000
Aptitudes en lecture
Pays de l’OCDE 2 2 1 1
Ensemble des participants 3 2 1 1
Aptitudes en mathématiques
Pays de l’OCDE 2 1 1 4
Ensemble des participants 6 2 2 4
Connaissances scientifiques
Pays de l’OCDE 1 1 1 3
Ensemble des participants 2 1 1 3
Résolution de problèmes
Pays de l’OCDE     2  
Ensemble des participants     2  

Dans le monde d’aujourd’hui, aucun pays n’est en mesure de tirer son épingle du jeu si sa population n’est pas formée et compétente. La montée en puissance de la société finlandaise jusqu’à figurer dans la seconde moitié du 20ème siècle parmi les pays les plus prospères du monde, tient largement à la volonté de la population finlandaise de s’éduquer ainsi qu’aux investissements réalisés en matière de formation. La volonté d’apprendre des citoyens a également été stimulée par la foi largement répandue dans les bienfaits de l’éducation : ainsi, on commença à considérer comme normal d’être bien informé des affaires du monde comme de celles du pays, ainsi que des questions de société.

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A la découverte d’une association innovante en éducation : le GRIP

Le GRIP a été une découverte récente pour moi. J’ai aimé la logique de cette association soutenue et connue par le ministère de l’EN mais en même temps souvent en désaccord avec lui et totalement indépendante. J’apprécie leur volonté de défendre l’école laïque et républicaine et leur refus des écoles privées nouvelles qui pullulent : « Le GRIP récuse les options des « créateurs d’écoles » qui proposent, sous le prétexte fallacieux de défendre l’instruction, d’adapter les programmes enseignés en fonction du milieu auquel appartiennent les élèves, des opinions et des options idéologiques ou religieuses de leurs parents ». Je vous livre ici une rapide présentation de cette association et, en-dessous, leur texte fondateur mais je reviendrai plus profondément sur leur travail dans d’autres papiers. Cependant, il est important de noter que le GRIP est soutenu par des personnalités du monde de l’éducation aux idées plutôt conservatrices comme Natacha Polony et que cette association est plutôt qualifiée d' »anti-pédagos », d’anti-Meirieu notamment…. Mais comme d’habitude, je trouve ce débat entre pédagos et conservateurs inintéressant. Au risque de manquer de tranchant, il y a du bon à prendre de chaque côté. D’ailleurs, le GRIP, Polony, Meirieu, etc. sont finalement au moins d’accord sur une chose : il faut défendre l’école publique et égalitaire. Les deux versants des sciences de l’éducation voient d’un mauvais œil les écoles-privées-aux-nouvelles-pédagogies-pour-population-aisée qui prospèrent.

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L’objectif central du Groupe de Réflexion Interdisciplinaire sur les Programmes (GRIP) est la construction de programmes scolaires denses, exigeants et progressifs. Ce travail de longue haleine entamé en 2005 est mené à bien grâce à la confrontation avec les réalités de terrain et la pratique des classes.

Ainsi, le GRIP a lancé le projet SLECC (Savoir Lire Écrire Compter Calculer). Pour le développer, le GRIP associe des enseignants de tous niveaux, de la maternelle à l’université en passant par le primaire et le secondaire. Je détaillerai ce projet et les réflexions théoriques et historiques du GRIP dans d’autres papiers à venir.

Le site www.instruire.fr, site du GRIP (très vieillot alors que le site du SLECC est plutôt agréable), contient réflexions théoriques et historiques, programmes scolaires en chantier, ressources pédagogiques en libre consultation ou disponibles sur demande, ainsi que prochainement un forum ouvert à toutes les questions pédagogiques. Il est à la disposition de tous ceux qui sont attachés à la qualité de l’Instruction publique.

POSITIONS DU GRIP SUR LA CRISE DE L’ÉCOLE  ET LES MOYENS DE S’EN SORTIR
(Texte de référence pour l’adhésion au GRIP)
 
Origine principale de la crise 
Depuis sa fondation en 2005, le GRIP situe l’origine principale de la crise de l’école dans le délitement des programmes, en premier lieu des programmes du primaire.   Amorcé dès les années soixante, accentué réforme après réforme, à peine corrigé ces derniers temps, ce délitement a en effet rendu de plus en plus aléatoire la constitution de savoirs rationnels. Il a ainsi compromis la possibilité pour la masse des élèves d’accéder à la culture élargie qui conditionne la réussite ultérieure des études.  En conséquence, le GRIP voit dans la reconstruction de programmes du primaire  riches, cohérents et progressifs la priorité des priorités et la condition nécessaire d’une vraie démocratisation de l’enseignement. 
 
La reconstruction des programmes 

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Remplacer les notes par les compétences et les couleurs ?

Depuis cette année, les compétences envahissent notre travail de professeurs. Personne ne nous oblige à « passer aux compétences » pour évaluer mais on a désormais la possibilité de choisir entre mettre des notes ou valider des compétences… J’avais un avis plutôt positif sur la question jusqu’à m’interroger vraiment sur le fondement de cette petite révolution et jusqu’à faire des recherches sur le sujet. Avec une collègue avec qui je travaille en binôme, nous avons mis en place un système d’évaluations par compétences que nous couplons toujours avec les notes. Après tout, à la fin de la troisième, comme à la fin du CM2 pour les instituteurs, on doit remplir le « livret de compétences » de chaque élève et dire s’il est apte ou non à réaliser telle ou telle chose (on devrait en principe le remplir à chaque fin d’année…). J’ai choisi de ne travailler par compétences qu’avec mes classes de 6ème pour de multiples raisons. Cependant, près de cinq mois après le début de l’année, je trouve le concept lourd et incohérent. Les élèves me demandent toujours si « acquis » (couleur verte) vaut un 20/20 par exemple et j’observe facilement qu’un « Non acquis » (couleur rouge) les attriste et les déstabiliser autant (voire plus) qu’un 5/20. De plus, c’est chronophage et l’utilité reste à démontrer.

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Pour confronter mon avis de moins en moins enthousiaste à un autre avis concret, j’ai cherché un peu ce qu’en pensaient mes collègues. Voici retranscrite ici une lettre d’un instituteur aux parents des élèves de sa classe. Il leur explique pourquoi il ne remplira pas le livret de compétences de leurs enfants. A bon entendeur…

« Madame, Monsieur,
 
 Nous arrivons en fin d’année scolaire et il est temps pour moi, comme pour mes collègues, de faire le bilan annuel du travail de votre enfant. L’administration me demande de vous communiquer la page d’attestation de compétences ci-jointe après l’avoir remplie (note de service n° 2012-154 du 24-9-2012).
 
 Je me dois donc de la porter à votre connaissance. Toutefois, pour des raisons qui touchent à ma conception du métier de professeur des écoles, je ne la remplirai pas.    Depuis plusieurs années, la nature même de ce métier a été affectée par une « évaluationnite » aiguë, fondée sur les « compétences »,  qui a détourné l’école de sa mission d’instruction. 
 
 Traditionnellement, le métier d’instituteur consistait pour une part à apprécier  régulièrement par une note la réussite de ses élèves – et par là même  l’efficacité de son enseignement – à l’occasion d’exercices ponctuels comme les dictées, les résolutions de problèmes, et tous autres exercices mobilisant des connaissances répertoriées dans le programme. À ce mode d’évaluation, compréhensible par tous, s’est substituée une évaluation par compétences, dénuée de sens, et graduée dans un premier temps en quatre paliers : « non-acquis, en cours d’acquisition, à renforcer, acquis », puis en trois : « non acquis, en cours d’acquisition, acquis ». C’était le temps de l’ancien livret compétentiel avec ses 110 cases à cocher, vite appelé « l’usine à cases. » 

Aujourd’hui, l’institution, sans doute dans une louable volonté de simplification, ne nous demande plus que d’apposer une date en face de chacune des sept compétences retenues par elle pour mesurer la réussite de votre enfant : 

Maîtrise de la langue française
Pratique d’une langue vivante étrangère
Principaux éléments de mathématiques
Culture scientifique et technologique
Maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication
Culture humaniste
Compétences sociales et civiques
Autonomie et initiative

Il est donc désormais en mon pouvoir de décréter d’un coup de tampon dateur que votre enfant « maîtrise la langue française » depuis le 15 juin 2013, même s’il oublie ou inverse des lettres, néglige les accords grammaticaux, confond l’infinitif et le participe passé, le futur et le conditionnel… Le ministère précisant que  la validation de la compétence concerne les élèves « ne rencontrant pas de difficultés particulières » chacun sera rassuré. En effet, les difficultés que je viens de citer n’ont rien de « particulier» : elles ne sauraient justifier que je m’abstienne du coup de tampon préconisé !  

Cette fiche d’attestation de compétences est un outil merveilleux  qui fait disparaître les réalités de l’enseignement et la raison d’être de celui-ci : l’instruction des enfants.    

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Entre les pédagos et les trados, des profs inventifs

Sur Twitter se cristallise une haine entre ceux qui se déclarent des pédagogues, investis dans les recherches en sciences de l’éducation, surnommés « pédagogo » par leurs ennemis ; et ceux qui se sont fait appeler « les anonymes consternants » parce qu’ils utilisaient toujours des surnoms quand ils invectivaient et insultaient les premiers. Ambiance… Quand on n’entre pas dans l’arène et que l’on observe de loin, même en étant prof soi-même, c’est accablant de ridicule et d’idéologies. D’autant que les arguments des uns et des autres manquent de clairvoyance et de pertinence. Pourquoi l’un exclurait l’autre ? Pourquoi vouloir penser la pédagogie, essayer d’autres méthodes, empêcherait de défendre une école sérieuse qui promulguerait des savoirs pointus ?

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J’effectue des recherches en sciences de l’éducation et me questionne régulièrement sur ma pratique, j’aime tester les pédagogies à la mode et les concepts nouveaux mais cela ne m’empêche pas d’apprécier le travail du collectif Sauver les lettres qui défend le retour à un niveau d’enseignement de la langue française plus élevé et élitiste (sans être moins inégalitaire). Il ne me semble pas inconséquent d’avoir un pied de chaque côté. Pourtant, on dit bien que l’association Sauver les lettres exècre le travail des pédagogues comme Philippe Meirieu et dénonce la promotion chez l’élève des activités, du savoir-être, au détriment des contenus des cours…. Pourquoi opposer les deux ? Si on le fait, on tombe forcement dans l’idéologie.

Pédagos contre partisans des vieilles méthodes : l’opposition caricaturale continue donc de jouer à plein, dans les médias comme à chaque conflit sur les programmes. D’un côté, ceux qui réfléchissent aux modes d’apprentissage des enfants qui iraient forcément dans le sens du constructivisme et des raisonnements inductifs ; de l’autre, ceux qui calquent les pratiques du passé. La réalité est plus contrastée. Les recherches pédagogiques sont diverses, et ne correspondent que rarement à un clivage idéologique. Il y a, bien sûr, les écoles Montessori, la pédagogie Freinet, les mouvements pour  » l’éducation nouvelle », dont se réclament tous ceux qui voient surtout dans la pédagogie la part de découverte par l’élève et la confrontation à des « situations-problèmes » (ce qui réduit singulièrement l’héritage des grands pédagogues). Mais il existe aujourd’hui nombre de professeurs qui s’interrogent sur leurs pratiques et sur les moyens de transmettre le savoir.

Le Grip, Groupe de réflexion interdisciplinaire sur les programmes, fait partie de ces associations qui entendent réfléchir à la pédagogie sans pour autant accepter les modes et les dogmes. Qualifié de  » groupuscule extrémiste  » par un inspecteur qui n’aime pas toutes les réflexions en éducation et que son devoir de réserve ne paralyse apparemment pas, le Grip fut fondé, en 2003, par des enseignants qui espéraient avoir un mot à dire dans le grand débat sur l’école lancé par Jacques Chirac. Passant au crible les programmes scolaires, ils ont depuis lancé un projet baptisé Slecc, qui compte aujourd’hui une vingtaine de classes en France. Le projet Slecc, Savoir lire, écrire, compter, calculer, est un projet expérimental.

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