« Avec la classe inversée, ce sont les élèves qui travaillent » : M. Soulié, prof de français, explique le principe de la classe inversée au collège

« J’ai fait enlever mon bureau. Je m’assois avec les enfants ». Professeure de français au collège Daniel Argote d’Orthez, Marie Soulié applique avec bonheur la classe inversée. Elle décrit ses pratiques pédagogiques et en montre les impacts sur les élèves et son propre travail. Dans son collège où les élèves sont dotés d’une tablette, la clase inversée apaise la classe parce que les élèves sont enfin au travail.

Racontez nous une séquence pédagogique avec la classe inversée

Je peux prendre en exemple une séance sur le Bourgeois gentilhomme en 5ème. On a vu plusieurs extraits de mise en scène de la scène 2. Je donne aux enfants une capsule vidéo qui vise différents types de comique en leur demandant ce qui fait rire. Cette capsule est une sorte de mise en bouche qui ne vise pas à faire le résumé d’une leçon mais à préparer le travail du lendemain. Les élèves remplissent un questionnaire Google Form.

Le lendemain les élèves se positionnent dans la classe. Je l’ai organisée en ilots parmi lesquels « l’ilot des curieux ». Là je suis avec un groupe et je réponds à leurs questions pendant 5 minutes. C’est un rituel que j’ai institué. On corrige le questionnaire. Après ce temps d’échange on passe à le construction à travers l’exécution d’une tâche complexe : il faut imaginer l’affiche d’un festival de cinéma comique et faire une carte mentale. Les élèves doivent comprendre qu’ils doivent associer 4 types de comique à 4 films. En dernière étape on affiche au tableau et on corrige ensemble. On se met d’accord sur la carte mentale qui sera la trace écrite du cours.

Comment organisez vous les groupes d’élèves ?

La règle c’est qu’ils doivent mélanger garçons et filles et que les groupes doivent tourner. J’ai fait enlever mon bureau et le m’assois avec les groupes pour observer et conseiller. C’est important d’être cote à cote avec eux et aussi de donner les coups de pouce nécessaires. Je suis la plus discrète possible mais j’interviens, je pose des questions, je demande à ce qu’on m’explique tel ou tel point. Du professeur qui distribue la parole, je deviens celui qui accompagne et qui facilite. Au final, c’est moi qui organise.

N’est ce pas prendre le risque que les élève se trompent ?

Mais c’est très bien qu’ils se trompent. C’est intéressant une erreur. Elle va être prise en charge par la classe. Souvent  le groupe se rend compte des raisons qui l’ont poussé à faire une mauvaise hypothèse. De toutes façon à la fin de la séquence il y aune carte mentale validée par  moi. La trace écrite prend appui sur quelque chose de juste.

Est-ce efficace ?

Je n’ai pas d’évaluation scientifique. Mais je peux témoigner de mes observations. Dans mon collège on a un cahier des manquements pour le travail non fait. Avant la classe inversée c’était ingérable tellement il y avait d’élèves qui ne faisaient pas le travail à la maison. C’ets ce qui m’a poussé à changer ma pédagogie. Maintenant ils n’ont plus de devoir à la maison mais une capsule à regarder et une fiche à compléter, à mettre en ligne avec éventuellement des questions à poser. Ca se limite à ça. Résultat : le travail à la maison est fait. J’ai dix fois moins d’élèves signalés dans le cahier des manquements. Quand je leur demande pourquoi c’est come cela ils me disent « madame ce n’est pas du travail ». Le fait de ne pas les mettre en  difficulté à la maison ça leur donne envie d’essayer. Du coup, si tu n’as pas vu la capsule, t’es un ringard !

Les parents disent quoi ?

Je leur explique ma démarche. Ce qu’ils me disent en fin d’année  c’est qu’ils sont débarrassés d’une contrainte. Ils n’ont plus à dire à leur enfant « fais tes devoirs ».

Mais ce temps là n’est il pas pris aux dépens des autres disciplines ?

Non car le travail demandé est beaucoup plus court. Avant je donnais 10 minutes de travail à la maison. Maintenant c’est deux minutes.

Pour vous n’est ce pas chronophage ?

Oui au début il faut tout construire et apprendre à faire la capsule vidéo par exemple. Avec la pratique on apprend à se servir rapidement d’un outil qui plait, comme Adobe Voice pour moi. Je le maitrise bien et je vais vite. Et puis on échange entre nous des capsules. Maintenant on est 30 enseignants et on a un stock de 300 capsules qui balayent tout le programme du collège.

Ce qui nous lie ce n’est pas la capsule mais la pédagogie qui est derrière. Une mise en travail des élèves à travers des tâches complexes. Ce qui a changé c’est que maintenant les élèves sont au travail au lieu d’écouter.

Propos recueillis par François Jarraud pour le Café Pédagogique.

Le site de mutualisation

Le blog de Marie Soulié

Marie Soulié dans le Café pédagogique

 

Enseigner avec le numérique : Des ressources pour les profs de lettres #2, une plateforme pédagogique nommée TACIT

=> TACIT : un outil pour aider à l’apprentissage de la lecture et à la compréhension des textes !

La plateforme pédagogique TACIT, en ligne depuis 2012 et dédiée à l’apprentissage des compétences fondamentales pour une bonne compréhension des textes (vocabulaire en contexte, lecture, implicite des textes…) est de plus en plus mise en place dans les établissements (carte de diffusion). Cette plateforme pédagogique a été créée par quatre enseignants-chercheurs de l’université Rennes 2 et de l’ESPE de Bretagne, deux développeurs informatiques et une orthophoniste. Elle permet la mise en place d’une pédagogie différenciée (un concept qui nous intéresse beaucoup sur ce blog : travail en îlot, travail individuel, travail en classe inversée, etc.), avec des élèves allant du CE1 à la 3ème.  (TACIT dans les médias pour ceux que ça intéresse…).

Ce que permet le logiciel ? D’abord d’évaluer le niveau de compréhension et de lecture puis d’aider à développer chez l’élève les outils pour comprendre l’implicite du texte (ce que le texte ne dit pas). Personnellement, je suis totalement séduite…. et devrais probablement encourager mon chef d’établissement à payer les 36 euros de la licence pour une de mes classes cette année !

Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent pas le logiciel, vous pouvez découvrir et tester gratuitement TACIT à l’adresse http://tacit.univ-rennes2.fr. Une licence complète coûte 36€ pour une classe de 40 élèves (pourquoi la plateforme est payante ?).

Et enfin une vidéo pour présenter rapidement la plateforme :

Enseigner avec le numérique : Des ressources pour les profs de lettres #1, le cahier numérique

Il y a évidemment du bon et du moins bon à vouloir intégrer le numérique dans l’enseignement. Le débat est large, compliqué et passionnant. Persuadée qu’il n’est pas non plus pertinent de refuser intégralement l’utilisation de l’écran dans les apprentissages, je suis attentive à ce qui est proposé aux professeurs pour faire évoluer leur manière d’enseigner.

Le site IParcours propose des ressources pour les profs de français et de mathématiques. Davantage développé pour les mathématiques, il ne propose des activités interactives en français que pour la classe de 6° (pour le moment). Il faut évidemment acheter le cahier papier (5,50 Euros sur le site d’IParcours) ce qui donne accès à la version numérique du manuel (128 pages). Pour commencer, on peut tout à fait n’acheter qu’un seul cahier papier et ainsi en observer la pertinence en effectuant quelques photocopies pour les élèves. Quant à la version numérique, je trouve qu’elle peut apporter beaucoup de lisibilité en classe. Le professeur peut surligner, entourer directement au tableau ce qu’il veut mettre en avant, il peut projeter un exercice à faire, mais aussi projeter le corrigé, projeter le texte à étudier…. Par ailleurs une version DVD, installable de façon local, permet ensuite d’avoir accès à toutes les ressources sans connexion internet (quand on sait le nombre de fois où ça plante en classe, et cela quelque soit l’établissement, l’info n’est pas négligeable…).

Sur le site d’IParcours, deux vidéos sont intéressantes. La première explique l’utilisation en classe dudit cahier et de sa version numérique, elle est un peu rébarbative mais permet tout de même de bien voir les possibilités qu’offre cette ressource. La voici :

La seconde est plus intéressante : elle parle des pédagogies différenciées et propose une utilisation de ce cahier numérique comme soutien au développement de ces pédagogies différenciées (la classe en îlot par exemple ou bien la classe inversée dont j’ai à plusieurs reprises parlé sur ce blog). La voici :

On peut donc utiliser les avantages qu’apporte ce cahier numérique directement en le projetant au tableau, mais aussi, en salle informatique, en travaillant en petit groupe. L’élève peut travailler en autonomie… et le professeur se consacrer à l’explication individuelle, en passant d’un élève à un autre.

N’ayant pas testé concrètement cet outil je ne peux pas en dire plus mais j’avoue être séduite : j’envisage de l’essayer en classe.

Le lien direct vers les vidéos. 

Première évaluation des compétences numériques des élèves : Les pays de l’OCDE doivent modifier leur utilisation des nouvelles technologies à l’école

D’après la première évaluation des compétences numériques menée dans le cadre du programme PISA de l’OCDE, l’école doit encore tirer parti des possibilités offertes par les nouvelles technologies dans les salles de classe afin de venir à bout de la fracture numérique et de doter chaque élève des compétences nécessaires pour évoluer dans le monde connecté d’aujourd’hui.

Le rapport intitulé « Students, Computers and Learning: Making The Connection » indique que même les pays qui ont considérablement investi dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’éducation n’ont enregistré aucune amélioration notable de leurs résultats aux évaluations PISA de compréhension de l’écrit, de mathématiques et de sciences.

D’après l’OCDE, le fait de s’assurer que chaque élève atteigne un niveau de compétences de base en compréhension de l’écrit et en mathématiques contribuera davantage à l’égalité des chances dans notre monde numérique que le simple fait d’élargir ou de subventionner l’accès à des services et des appareils de haute technicité.

En 2012, 96 % des élèves de 15 ans des pays de l’OCDE ont déclaré posséder un ordinateur à la maison, mais seuls 72 % ont déclaré en utiliser un à l’école. Dans l’ensemble, les élèves utilisant modérément les ordinateurs à l’école ont tendance à avoir des résultats scolaires légèrement meilleurs que ceux ne les utilisant que rarement. Mais les élèves utilisant très souvent les ordinateurs à l’école obtiennent des résultats bien inférieurs, même après contrôle de leurs caractéristiques socio-démographiques. La solution se trouverait donc comme souvent dans la modération ??

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Clavier ou crayon ? Michel Serres fait le point

Clavier ou stylo ? Les états font des lois et les débats tournent en rond. Pourquoi crier haro sur l’apprentissage de l’un ou l’autre ? Si l’on regarde tout ça de près et si l’école s’adapte à l’évolution de la société, la conclusion est évidente : il y a toujours eu de l’oral, on a inventé l’écrit, voilà le numérique, l’un ne chasse pas l’autre.

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En 5 minutes et des poussières d’entretien, Michel Serres nous fait réfléchir sur le sujet, dans la très chouette émission de France Info : Le Sens de l’info, à podcaster à loisir. Il reprend les arguments valables et démontent les idées reçues à partir de constats simples :

– Un bon nombre d’états américains a rendu l’apprentissage de l’écriture manuscrite optionnel à l’école.

– En Grande-Bretagne, un citoyen sur trois n’a pas écrit à la main depuis 6 mois.

– La Finlande envisage à son tour de privilégier le clavier au stylo.

Et alors quoi ? L’invention de l’écriture remonte à 3500 ans. Depuis, elle a toujours évolué… Pour résumer, des tablettes archaïques, nous sommes passés à la tablette tactile. Le débat n’a donc aucun sens, et c’est la conclusion de Michel Serres : « Vous savez on fait souvent débat de lieux où il n’y a pas débat possible ».

Je vous laisse écouter cette très courte vidéo. La métaphore du piano et du violon est savoureuse…

Classe numérique et texte libre à la Freinet : Exemple de séance pour un cours de français en seconde

Séance qui permet de travailler à la fois : la langue (grammaire et orthographe) / l’expression écrite et orale / la lecture / la vie en communauté et le respect des idées d’autrui.

En étudiant les bases de la pédagogie Freinet, j’ai été assez séduite par le principe du texte libre et j’ai eu envie de l’adapter aux contraintes et aux particularités de l’enseignement actuel, tout en l’insérant dans une séance tournée vers le numérique. Mais qu’entendait exactement Freinet lorsqu’il eut l’idée d’instaurer cette routine du texte libre dans ses classes ? Quel était exactement le principe de cet exercice à sa création ?

« Un texte libre c’est, comme son nom l’indique, un texte que l’enfant écrit librement, selon le thème qui l’inspire », écrit Célestin Freinet. Pas de sujet imposé donc. Pas de plan ou de forme imposés non plus, sinon on retombe sur le principe de la « rédaction à sujet libre ».

Première inquiétude de ma part : et si mes élèves n’ont pas d’inspiration, refusent de se plier à l’exercice par manque de règles et de consignes ( !), ils ont si peu l’habitude de ce genre de travail.

Autre particularité de l’exercice à la sauce Freinet : il prend place dans une routine. Chaque élève rédigeait un texte libre par semaine puis un jeu de correspondances avec d’autres élèves était mis en place : les textes libres choisis par la classe étaient imprimés dans le journal de l’école qui pouvait alors être distribué pour être lu => Je me dis que je pourrais facilement adapter cela à ma classe. Si l’on fait l’exercice tous les quinze jours, et si la classe sélectionne chaque fois un texte par vote comme le faisait Freinet, nous aurons une vingtaine de textes sélectionnés à la fin de l’année. On pourrait ainsi décider avec les élèves de construire un livre numérique par an ou bien encore de créer un blog pour partager ces textes libres…

En cliquant ici vous trouverez un doc assez court et clair sur la définition et les principes du texte libre (vous trouverez également une bibliographie succincte sur le sujet à la fin de l’article).

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Forte de toutes ces réflexions, j’ai construit ma séance ainsi (séance en demi-groupe et en salle info, mes élèves n’étant pas équipés de tablette) :

Les élèves n’ont pas été informés au préalable du principe du texte libre. J’énonce la consigne : les élèves sont fascinés, interloqués, déstabilisés et ils l’expriment. Leur entrain soudain est prometteur, cependant les questions pour obtenir une consigne, une limite affluent « Combien de lignes madame ? On écrit sur tout et n’importe quoi vous êtes sûre ? On fait des rimes ? On utilise l’ironie ? On répond sous forme de plan ? ». J’y réponds inlassablement par « comme vous voulez » sous leurs yeux ébahis et apparemment contents.

En salle info, ils sont chacun devant un ordinateur et se lancent. Ils rédigent leurs textes sur word sans utiliser le correcteur orthographique.

– Au bout de 20/30 minutes, sans contrainte de temps, ils ont tous fini (la longueur des textes est très variable). Chaque élève lit son texte devant toute la classe. Le mot d’ordre est respect. (C’est à mon tour d’être fascinée ! Leurs productions sont bien meilleures que d’habitude, sans contrainte ils se révèlent originaux, intéressants, drôles, etc.).

Un vote oral est organisé. Le texte choisi par la classe est envoyé sur mon mail.

Je projette le texte sur le vidéoprojecteur et on corrige ensemble les fautes d’orthographe et de grammaire. On revoit les notions et les règles essentielles puis on travaille la forme, la concordance des temps, etc.

– La séance est finie mais elle peut être développée à l’infini : recherche autour du thème sur lequel porte le texte choisi, recherche d’illustrations pour le texte, mise en forme et mise en page du texte pour une publication sur le blog de la classe ou dans un livre numérique à la fin de l’année, etc.

Résultats et verdict ? Je découvre avec joie que mes élèves savent écrire. Certains textes sont drôles, certains sont des coups de gueule, d’autres des mises au point, des recettes de cuisine aussi ; certains sont scolaires et rédigent sous forme de plan leurs idées, d’autres sont originaux, se livrent ou s’expriment librement. Les élèves se sont amusés, tout en travaillant l’orthographe, la grammaire, l’écriture, la lecture, l’expression orale et la pratique des outils numériques !! Que demander de plus ?

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J’ai répertorié ce que cette séance avait fait travailler à mes élèves en lien avec les programmes (ci-dessous, les extraits des textes officiels pour la classe de seconde) J’ai également ajouté le niveau de difficulté de mise en place de cette séance et une courte biblio pour approfondir le sujet du texte libre :

Compétences visées

 Parfaire sa maîtrise de la langue pour s’exprimer, à l’écrit comme à l’oral, de manière claire, rigoureuse et convaincante, afin d’argumenter, d’échanger ses idées et de transmettre ses émotions

– Acquérir des connaissances utiles dans le domaine de la grammaire de texte et de la grammaire d’énonciation

– Connaître la nature et le fonctionnement des médias numériques, et les règles qui en régissent l’usage/ être capable de les utiliser pour produire soi-même de l’information, pour communiquer et argumenter

Activités proposées par les programmes de seconde mises œuvre pour cette séance :

– Pratiquer diverses formes d’écriture (fonctionnelle, argumentative, fictionnelle, poétique, etc.).

– S’exercer à la prise de parole, à l’écoute, à l’expression de son opinion, et au débat argumenté.

– Mettre en voix et en espace des textes.

– Pratiquer la langue (grammaire et orthographe)

– Utiliser les outils numériques

Niveau de difficulté (temps de mise en place de la séance + difficultés techniques) : très facile

Bibliographie sur le sujet du texte libre :

CLANCHE, P. (1988) : L’enfant écrivain. Génétique et symbolique du texte libre, Le Centurion, Paris.[Il s’agit d’une recherche sur la production de textes libres à l’école primaire.]

FREINET, C. (1960) : Le texte libre. C.E.L., Coll. Bibliothèque de l’Ecole moderne n° 3, Cannes. (Première édiction : 1947, Coll. Brochures d’Education Nouvelle Populaire n° 25, Cannes.) [Le texte de base…]

FREINET, C. (1975) : Les techniques Freinet de l’école moderne. A. Colin, coll. Bourrelier, Paris, 51 – 59.

LAFITTE, R. (1985) : Une journée dans une classe coopérative. Le désir retrouvé, Syros, Paris, 135 – 147.[L’auteur présente sur les pages indiquées une séance de choix de textes.]

Le nouvel Educateur Documents n° 185, suppl. au nouvel Educateur n° 2 oct. 1988 : « Texte libre. » (Dossier réalisé par D. ROYCOURT et R. CROUZET)[Il s’agit du travail le plus récent du mouvement Freinet sur le texte libre. Le dossier est très complet]

La classe inversée ? Késako ? #rechercheenéducation #modernisonslécole #ifé-ENS

Dans le groupe de travail que j’ai rejoint à l’Ifé (Institut Français de l’éducation**), on réfléchit sur la modernisation de l’école. Notre atelier de recherche souhaite tout particulièrement faire évoluer les notions de « classe inversée » et celle d’école numérique. Le but est cette année de produire du contenu pour le site de l’Ifé mais aussi de partager des expériences concrètes autour du numérique à l’école et de la pédagogie inversée pour faire évoluer les pratiques des professeurs et des formateurs.

Si de plus en plus d’enseignants s’intéressent au concept de « classe inversée », la plupart d’entre eux ne sont même pas conscients que cette possibilité pédagogique existe. En effet, l’espé (ancien IUFM) ne parle absolument pas de ces pratiques novatrices aux futurs ou tout nouveaux enseignants qui viennent en formation dans leurs locaux, ou alors si cela arrive, c’est le hasard du formateur, et c’est de toute façon très rare.

On peut expliquer cela par le fait que ce concept est encore peu développé, peu connu, peu maîtrisé, en tout cas en France ; et c’est pour cela que des groupes de travail se forment autour de cette notion. Autour de ces thèmes, dans ma pratique pédagogique, je pars de zéro : j’intégrais jusque là très peu de numérique dans mes cours (c’est mal !) et je n’étais même pas sûre jusqu’à cette semaine de connaître avec pertinence la bonne définition de « classe inversée ».

Avant de vous expliquer les difficultés que j’ai immédiatement rencontrées (tout va finir par se régler…) face à l’intégration du principe de classe inversée dans mes cours, je souhaite reprendre une définition claire du principe de pédagogie inversée, qu’on soit certains de tous bien se comprendre avant d’aller plus loin.

La classe, telle qu’on la connait, c’est un prof debout face à une trentaine d’élèves (souvent plus…), déversant son savoir à un auditoire plus ou moins attentif. La classe inversée… inverse le principe d’apprentissage. Les élèves vont alors travailler leur leçon à la maison et effectuer des activités et des exercices à l’école, en petits groupes. Comment donc ? Plus besoin des profs pour apprendre une leçon. Eh non… Les leçons sont fournies sur des supports vidéos ou d’autres supports, que l’élève écoute, lit, reprend en note sur son cahier, le soir, chez lui. Finies les longues angoisses devant un exercice qu’on ne parvient pas à faire. De plus, l’élève est plus attentif seul face à sa leçon qu’en cours (Parlez pendant 20 minutes d’un sujet, peu importe lequel, devant une assemblée d’adolescents puis posez une question, demandez ensuite un par un à chaque élève de répéter la question que vous venez de poser… vous serez surpris du résultat : un long discours et vous perdez les trois quarts de votre auditoire). Par ailleurs, le lendemain, en cours, on communique, on échange. La classe devient un moment de communication qui s’articule et se construit sur les remarques et acquis des élèves. Les exercices sont effectués avec le professeur qui est plus mobile, peu passer de groupe en groupe et aider individuellement chaque élève. La présence en classe sert dès lors l’assimilation des connaissances acquises à travers les vidéos ou les documents envoyés aux élèves : du véritable soutien scolaire.

Evidemment, ce moyen de fonctionner réclame un travail du professeur abyssal en amont (mais aussi beaucoup plus d’aisance et de plaisir en classe pour lui et ses élèves). Evidemment, ce moyen de travailler est aussi plus « facile » dans certaines matières, et plus complexe pour les disciplines où la pratique est, en apparence, moindre (je pense notamment à l’étude des lettres).

Je listerai dans un prochain papier les avantages et les inconvénients de cette pratique, puis les moyens existants pour la mettre en oeuvre.

** L’Ifé est une composante de l’ENS. Implantée à Lyon, c’est une structure nationale de recherche, de formation et de médiation des savoirs en matière d’éducation, fondée sur une interaction permanente avec les communautés éducatives, grâce au recrutement de professeurs détachés et de professeurs associés.

Sur le plan international, l’Institut français de l’Éducation est inséré dans tous les grands réseaux de recherche, de l’UNESCO à l’OCDE. Grâce à ses ressources documentaires et à un dispositif d’accueil aussi simple qu’efficace, il est aussi la porte d’entrée  des chercheurs étrangers travaillant sur le système éducatif français.

L’école numérique #1

Parmi les volontés de Peillon, il y a celle de développer dans l’école l’utilisation du numérique et même de créer une sorte de révolution numérique. Dans mon lycée, 100 % des salles sont équipées d’un vidéo-projecteur, et je crois qu’environ 80% des profs s’en servent, toutes matières confondues. 

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Seulement, je m’interroge toujours sur les limites de cette utilisation. Certes, il y a un grand écran à la place du tableau noir mais les élèves, eux, écrivent toujours sur un cahier (et c’est tant mieux !). 

Dans mes cours, en français, je projette le texte à étudier sur l’écran. Ca marche bien. C’est beaucoup plus ludique. Moins contraignant que de toujours avoir à chercher le passage dont on parle dans le livre. Les élèves accrochent mieux, sont plus attentifs, et plus participatifs. Mais je suis dans un « bon » lycée, avec des gamins de toute façon au travail, pas sûre donc que cela fonctionne si facilement ailleurs. Et puis, quoi faire d’autres ? 

Le lundi de la rentrée, les profs qui n’ont pas cours ce jour, assistent à une formation TICE au nouvel ESPE (ancien IUFM). J’en attends beaucoup, et j’ai donc peur d’être déçue. J’y vais avec des à priori du genre : « ils vont nous apprendre à envoyer un mail groupé à plusieurs collègues en même temps… » 

En attendant, la recherche, elle, ne manque pas de développer son approche des TICE à l’école. Seulement, je suis encore une fois surprise par le manque de lien entre université et terrain. Et si un chercheur venait régulièrement parler de ses trouvailles DANS les lycées, les collèges, les écoles élémentaires ; directement aux professeurs, dans leur salle, pourquoi pas avec les élèves. 

Bien sûr, il y a les choses évidentes : créer un blog avec les élèves, un site de prof ; pour avoir tenté l’expérience il y a deux ans avec une classe de première, le blog participatif fonctionne bien, même si on court après les billets de blog comme on court après les copies rendues en retard. Pour eux, c’est du travail, donc de la contrainte. 

En réalité, hors de la classe, je conçois totalement la facilité de mise en place des TICE : ce sont des prolongements du travail fait à l’école (site de prof, blog pour les élèves, cahier de texte en ligne, site de liens pour développer les savoirs) ; mais à l’intérieur de la classe, dans ma matière notamment, j’ai des doutes. Au-delà de la projection des textes et des images étudiés sur l’écran…. Que faire ? Je parle du lycée ici évidemment, la problématique est tout autre au collège et en primaire et c’est peut-être la première chose à changer : pourquoi continuer de parler des TICE à l’école alors que leur développement devra forcement être très différent selon les niveaux ? Finalement on n’enseigne pas la même chose. En français, on enseigne davantage la grammaire et l’orthographe au collège et davantage la littérature au lycée, les exercices sont donc très différents. Ne faudrait-il pas créer trois ou quatre problématiques différentes ? Les TICE au collège, au lycée, en primaire, en lycée pro, etc.  

Et puis je ne peux pas m’empêcher de penser que le souci est ailleurs : dans les classes surchargées. Quand on fait cours à 35 élèves, on n’a pas la possibilité d’aller chercher ceux qui dorment. Parfois on le fait, parfois on doit avancer alors on les laisse dormir… Car concernant les TICE, j’aurais tendance à croire que les choses se font d’elles-mêmes : les nouveaux profs utilisent plus facilement l’écran, et par exemple en lettres, l’étude de l’image et du texte se modifie grâce aux projections et aux vidéos que l’on utilise, et cela assez naturellement. 

Un blog très intéressant de prof de français canadien qui utilise beaucoup les TICES dans son enseignement : http://www.davidmartel.com/

Mais il faut ici préciser quelque chose : au Canada, les élèves du secondaire ont un cours intitulé « Initiation à l’informatique », cours dans lequel on leur parle de facebook, de google, des applications et de la juridiction numérique, protection des droits d’auteur, cyberintimidation… Peut-être faudrait-il commencer par ça chez nous aussi ?