Billet très fortement inspiré par les revues de presse des Cahiers Pédagogiques et par le merveilleux blog de Philippe Watrelot.

Fin 2012, le rapport « Refondons l’école de la République » est remis au ministre Vincent Peillon. La totalité des sujets qu’il contient seront alors inscrit dans le projet de loi sur l’école qui a été soumis au parlement en janvier 2013.
Et depuis, voilà les chantiers lancés, avec plus ou moins de succès :
Les rythmes scolaires … survivent au choc médiatique
Peillon demande le retour à la semaine de 9 demi-journées et envisage la possibilité d’allonger de deux semaines l’année scolaire (suppression de deux semaines de grandes vacances). Cette réforme devait entrer en vigueur à la rentrée 2013 mais certaines écoles ont eu l’autorisation de repousser cette mise en place à la rentrée 2014.
Résultats ? Beaucoup d’oppositions à cette réforme, oppositions assez compliquées à comprendre puisque la plupart ne refusent pas le fond du projet mais plutôt la rapidité d’exécution et le manque de moyen pour la mettre en place correctement.
Ce qui n’a pas aidé cette réforme (au bon rythme, à mon sens) ce sont évidemment l’instrumentalisation politique qui en a découlé et les médias qui ont parlé uniquement de ceux qui étaient contre la réforme et sans vraiment expliquer pourquoi ils l’étaient. Dans l’opinion publique, ça a donné une sorte de flou : on n’est pas d’accord par principe, parce qu’on n’a entendu beaucoup de critiques à la radio.
Cette tempête médiatique n’a pas aidé cette réforme qui aurait pu au contraire profiter de certains témoignages positifs pour réparer ses couacs. D’autant que cette tempête médiatique s’est déclenchée alors que seulement 20 % des communes ont mis en place la réforme en 2013. Seulement 20 % !!!!!!!!! Ca promet pour les 80% restant en septembre prochain… En tout cas, les subventions des communes ont été reconduites, la mise en place du nouveau rythme est donc bien partie pour se concrétiser.
Réinventer la formation des enseignants
Les IUFM ayant été fermés, il a fallu récréer quelque chose ; la même chose ça aurait vraiment été de la provoc, du coup on a créée l’ESPÉ (Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education). Là, hormis les difficultés à faire travailler université et école séparée ensemble, tout le monde est d’accord (ou presque) : c’était essentiel. Tout reste à construire : indépendance vis à vis des universités ? Modèle économique ?
Résultats ? Augmentation du nombre d’inscrits au futur concours de recrutement des enseignants et création d’un Comité de suivi. Hic ? Il va falloir réinventer les formations créées dans l’urgence pour cette première année.
De nouveaux programmes !
Peillon a mis en place le Conseil Supérieur des programmes (CSP). 10 personnes nommées par le ministre : 3 députés, 3 sénateurs et 2 représentants du Conseil économique, social et environnemental… Pas de profs ? Non, malheureusement, pas de profs… Son président est Antoine Boissinot (il a notamment écrit Perspectives actuelles de l’enseignement du français (dir.), CRDP de Versailles, 2001). Ce n’est cependant pas le CSP qui va construire les programmes, il doit simplement définir les orientations générales et une charte pour cette construction. Les programmes de la Maternelle changeront en premier (rentrée 2014) puis ce sera au tour de l’élémentaire puis du collège et du lycée.
Dans une interview, le président du CSP a expliqué le futur travail de cette instance, et c’est très prometteur … :
“Avant on définissait les programmes comme des contenus d’enseignement en lien avec un cadre horaire. Aujourd’hui l’idée c’est de réfléchir comme dans de nombreux pays en terme de curriculum, ce qui suppose une approche plus globale. Le curriculum ce n’est pas que du contenu mais une réflexion sur les compétences, l’évaluation, les outils numériques, la formation professionnelle. C’est une nouvelle approche , une nouvelle manière d’aborder les questions au programme. Plutôt que remplacer les programmes, procédure qui lasse les enseignants, on réfléchit à une nouvelle méthode pour élaborer plus globalement et les accompagner mieux en terme de formation et d’outillage pédagogique et d’accompagnement. ”.
Résultats ? On ne peut pas s’empêcher de penser qu’à chaque quinquennat les programmes changent et on ne peut pas s’empêcher de rappeler qu’il faut une dizaine d’années pour voir l’effet de nouveaux programmes… Sans continuité politique, tout cela semble donc fort vain !
Les assises de l’éducation prioritaire :
Elles sont en cours et donneront lieu à des synthèses courant 2014.
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Alors, verdict ? On a quand même un peu l’impression d’assister à une remise en place de tout ce qu’avait démantelé Sarkozy (IUFM fermés, 70000 postes en moins alors qu’il y a 35 élèves par classe, etc.) et à une énième révision des programmes. Mais évitons de sombrer dans la critique négative à la Polony, dans la défiance, à dénigrer ce qui pourrait être au final très positif !
Comme le dit Antoine Prost (Du changement dans l’école chez Seuil, analyse des réformes successives dans l’EN) : “Nous avons un vrai problème de gouvernance politique : la continuité n’est pas assurée, or elle est absolument nécessaire dans l’Education nationale. ”. En d’autres termes et pour reprendre l’expression de Philippe Watrelot : « Le temps pédagogique n’est pas celui du politique ». Mais finalement, peu importe : quand les enseignants et l’opinion est d’accord sur une réforme, la continuité se crée d’elle-même, et c’est comme cela que le changement voit concrétement le jour.
Les sujets de polémiques pour 2014 sont répertoriés par Philippe Watrelot :
– La question du métier et des salaires, la question du rééquilibrage entre salaire des primaires et salaires des collèges/lycées…
– Question du statut de l’enseignement, et des disciplines enseignées qui sont vécues (à juste titre, non ? ) comme une partie de l’identité professionnelle des enseignants du secondaire.
– Question du « management » de l’école : autonomie et responsabilisation des lieux d’enseignements. Plus clair et plus souple. Oui, mais à quels risques ?