Global Teacher Prize : une française en lice pour le titre de « meilleur prof »

Marie-Hélène Fasquel, qui enseigne dans un lycée de Nantes, est la première Française en finale du Global Teacher Prize, un concours international d’enseignement.

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Marie-Hélène Factuel – Photo : Sébastien Salon-Gomis

Marie-Hélène a une furieuse tendance à voir la vie du bon côté. En convalescence, clouée au lit après une opération du dos, cette professeur de lycée parvient quand même à penser que le moment est «idéal»… pour travailler. Pianotant sur son smartphone sous la couette, elle vient de prendre contact avec un enseignant indien que ses élèves pourraient interviewer. Elle correspond aussi avec une classe en Grèce. «Et il faut que je pense à vous envoyer les diaporamas que j’ai faits sur Shakespeare…» On est obligés de lui couper la parole : Marie-Hélène Fasquel, sur son métier, est intarissable.

Son enthousiasme fait mouche. La spécialiste de littérature anglaise, qui travaille depuis trois ans au lycée Nelson-Mandela de Nantes (Loire-Atlantique), vient d’être sélectionnée parmi 20 000 candidats comme finaliste du Global Teacher Prize. Ce concours récompensera de 1 M$ (956 480 €) au printemps le professeur jugé le plus innovant et impliqué dans la réussite de ses élèves.

Donner envie à sa classe

C’est la première fois qu’une Française se hisse à ce niveau. Jusqu’ici, elle avait concouru en catimini. «J’avais un peu honte. S’inscrire au Global Teacher Prize sous-entend qu’on se prend pour… vous voyez, quoi ! Mais ce prix, je ne le veux pas pour moi, je le fais pour les élèves.»

Elle a surtout l’espoir que ses convictions essaiment dans d’autres salles de classe. Son credo ? «Si les jeunes ne travaillent pas assez, c’est parce qu’ils manquent de motivation. Sans envie dans une classe, il ne se passe rien.» Et c’est pour lutter contre l’ennui qu’elle a cherché des voies alternatives, confrontée à une classe faible, dans l’académie de Lille (Nord) où elle a commencé sa carrière, il y a quinze ans.

Depuis, on ne l’arrête plus. Elle convie des grands auteurs à des conférences par Skype, elle fait écrire et jouer des «soap operas» à ses élèves, leur demande de créer des affiches, des cartes mentales, des poèmes, en jouant à la fois sur l’entraide et l’émulation. La prof se passe volontiers de notes, mais court la ville pour chercher «des lots» à remettre aux producteurs de bonnes copies. Les libraires donnent des livres, les banques des objets promotionnels…

Marie-Hélène Fasquel sait à quel point la récompense importe pour les élèves. Elle est encore émue de la réaction de ces lycéens du Nord quand elle est revenue en classe avec un prix européen de l’innovation pédagogique, remis par Microsoft en 2014 pour un projet sur l’écriture de nouvelles. «Si vous aviez vu leurs têtes quand je leur ai donné le certificat d’excellence ! Certains pleuraient tellement ils étaient fiers, et l’un m’a dit, tout étonné : «Ben on n’est pas nuls, alors» ?» C’est pour ce genre d’émotions que Marie-Hélène Fasquel travaille, tout le temps. Même l’été à bord du bateau familial, avec mari et enfants au large des côtes bretonnes, elle branche son ordinateur. «C’est le seul motif de dispute en famille : le temps que je consacre à mes cours. Mais c’est magique, d’exercer un métier qu’on adore.» Elle assure qu’elle aime même corriger ses copies.

Se servir du numérique

Aussi, on n’est guère étonné que la prof ne songe pas une seconde à quitter le navire de l’Education nationale, même si elle remportait le prix de 1 M$. «Je n’ose pas penser à ce que je ferais avec», s’exclame-t-elle avec gourmandise. Mais des idées, bien sûr, elle en a. Elle pense à «une association pour les jeunes laissés pour compte» et à une autre pour promouvoir «des classes sans papier. Il faut penser à l’environnement et en finir avec les tas de photocopies». Et sans s’arrêter, toujours du fond de son lit : «On peut faire des choses super avec le numérique… J’envoie tout à mes élèves avec un logiciel qui s’appelle Dropbox, vous connaissez ?»

La classe inversée

Marie-Hélène Fasquel fait partie des pionniers en France de la classe inversée, une méthode pédagogique encore très débattue mais de plus en plus répandue dans les collèges et les lycées. Le principe est simple : au lieu d’écouter le cours en classe et de s’exercer à la maison, l’enseignante donne la leçon à lire ou à visionner chez soi. Une fois en cours, les élèves se consacrent à la mise en application des concepts et des notions étudiées. Une manière de donner plus de place à l’expression, au débat, à la créativité et l’imagination. L’enseignante a aussi tapé dans l’oeil du jury avec son utilisation intensive des nouvelles technologies, qui permettent à ses élèves des jumelages virtuels avec des élèves du monde entier.

(Article trouvé sur L’Express ou Le Monde : je ne suis plus sûre de la Source… Mea Culpa)

 

A la découverte d’une association innovante en éducation : le GRIP

Le GRIP a été une découverte récente pour moi. J’ai aimé la logique de cette association soutenue et connue par le ministère de l’EN mais en même temps souvent en désaccord avec lui et totalement indépendante. J’apprécie leur volonté de défendre l’école laïque et républicaine et leur refus des écoles privées nouvelles qui pullulent : « Le GRIP récuse les options des « créateurs d’écoles » qui proposent, sous le prétexte fallacieux de défendre l’instruction, d’adapter les programmes enseignés en fonction du milieu auquel appartiennent les élèves, des opinions et des options idéologiques ou religieuses de leurs parents ». Je vous livre ici une rapide présentation de cette association et, en-dessous, leur texte fondateur mais je reviendrai plus profondément sur leur travail dans d’autres papiers. Cependant, il est important de noter que le GRIP est soutenu par des personnalités du monde de l’éducation aux idées plutôt conservatrices comme Natacha Polony et que cette association est plutôt qualifiée d' »anti-pédagos », d’anti-Meirieu notamment…. Mais comme d’habitude, je trouve ce débat entre pédagos et conservateurs inintéressant. Au risque de manquer de tranchant, il y a du bon à prendre de chaque côté. D’ailleurs, le GRIP, Polony, Meirieu, etc. sont finalement au moins d’accord sur une chose : il faut défendre l’école publique et égalitaire. Les deux versants des sciences de l’éducation voient d’un mauvais œil les écoles-privées-aux-nouvelles-pédagogies-pour-population-aisée qui prospèrent.

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L’objectif central du Groupe de Réflexion Interdisciplinaire sur les Programmes (GRIP) est la construction de programmes scolaires denses, exigeants et progressifs. Ce travail de longue haleine entamé en 2005 est mené à bien grâce à la confrontation avec les réalités de terrain et la pratique des classes.

Ainsi, le GRIP a lancé le projet SLECC (Savoir Lire Écrire Compter Calculer). Pour le développer, le GRIP associe des enseignants de tous niveaux, de la maternelle à l’université en passant par le primaire et le secondaire. Je détaillerai ce projet et les réflexions théoriques et historiques du GRIP dans d’autres papiers à venir.

Le site www.instruire.fr, site du GRIP (très vieillot alors que le site du SLECC est plutôt agréable), contient réflexions théoriques et historiques, programmes scolaires en chantier, ressources pédagogiques en libre consultation ou disponibles sur demande, ainsi que prochainement un forum ouvert à toutes les questions pédagogiques. Il est à la disposition de tous ceux qui sont attachés à la qualité de l’Instruction publique.

POSITIONS DU GRIP SUR LA CRISE DE L’ÉCOLE  ET LES MOYENS DE S’EN SORTIR
(Texte de référence pour l’adhésion au GRIP)
 
Origine principale de la crise 
Depuis sa fondation en 2005, le GRIP situe l’origine principale de la crise de l’école dans le délitement des programmes, en premier lieu des programmes du primaire.   Amorcé dès les années soixante, accentué réforme après réforme, à peine corrigé ces derniers temps, ce délitement a en effet rendu de plus en plus aléatoire la constitution de savoirs rationnels. Il a ainsi compromis la possibilité pour la masse des élèves d’accéder à la culture élargie qui conditionne la réussite ultérieure des études.  En conséquence, le GRIP voit dans la reconstruction de programmes du primaire  riches, cohérents et progressifs la priorité des priorités et la condition nécessaire d’une vraie démocratisation de l’enseignement. 
 
La reconstruction des programmes 

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Entre les pédagos et les trados, des profs inventifs

Sur Twitter se cristallise une haine entre ceux qui se déclarent des pédagogues, investis dans les recherches en sciences de l’éducation, surnommés « pédagogo » par leurs ennemis ; et ceux qui se sont fait appeler « les anonymes consternants » parce qu’ils utilisaient toujours des surnoms quand ils invectivaient et insultaient les premiers. Ambiance… Quand on n’entre pas dans l’arène et que l’on observe de loin, même en étant prof soi-même, c’est accablant de ridicule et d’idéologies. D’autant que les arguments des uns et des autres manquent de clairvoyance et de pertinence. Pourquoi l’un exclurait l’autre ? Pourquoi vouloir penser la pédagogie, essayer d’autres méthodes, empêcherait de défendre une école sérieuse qui promulguerait des savoirs pointus ?

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J’effectue des recherches en sciences de l’éducation et me questionne régulièrement sur ma pratique, j’aime tester les pédagogies à la mode et les concepts nouveaux mais cela ne m’empêche pas d’apprécier le travail du collectif Sauver les lettres qui défend le retour à un niveau d’enseignement de la langue française plus élevé et élitiste (sans être moins inégalitaire). Il ne me semble pas inconséquent d’avoir un pied de chaque côté. Pourtant, on dit bien que l’association Sauver les lettres exècre le travail des pédagogues comme Philippe Meirieu et dénonce la promotion chez l’élève des activités, du savoir-être, au détriment des contenus des cours…. Pourquoi opposer les deux ? Si on le fait, on tombe forcement dans l’idéologie.

Pédagos contre partisans des vieilles méthodes : l’opposition caricaturale continue donc de jouer à plein, dans les médias comme à chaque conflit sur les programmes. D’un côté, ceux qui réfléchissent aux modes d’apprentissage des enfants qui iraient forcément dans le sens du constructivisme et des raisonnements inductifs ; de l’autre, ceux qui calquent les pratiques du passé. La réalité est plus contrastée. Les recherches pédagogiques sont diverses, et ne correspondent que rarement à un clivage idéologique. Il y a, bien sûr, les écoles Montessori, la pédagogie Freinet, les mouvements pour  » l’éducation nouvelle », dont se réclament tous ceux qui voient surtout dans la pédagogie la part de découverte par l’élève et la confrontation à des « situations-problèmes » (ce qui réduit singulièrement l’héritage des grands pédagogues). Mais il existe aujourd’hui nombre de professeurs qui s’interrogent sur leurs pratiques et sur les moyens de transmettre le savoir.

Le Grip, Groupe de réflexion interdisciplinaire sur les programmes, fait partie de ces associations qui entendent réfléchir à la pédagogie sans pour autant accepter les modes et les dogmes. Qualifié de  » groupuscule extrémiste  » par un inspecteur qui n’aime pas toutes les réflexions en éducation et que son devoir de réserve ne paralyse apparemment pas, le Grip fut fondé, en 2003, par des enseignants qui espéraient avoir un mot à dire dans le grand débat sur l’école lancé par Jacques Chirac. Passant au crible les programmes scolaires, ils ont depuis lancé un projet baptisé Slecc, qui compte aujourd’hui une vingtaine de classes en France. Le projet Slecc, Savoir lire, écrire, compter, calculer, est un projet expérimental.

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Enseigner avec le numérique : Des ressources pour les profs de lettres #1, le cahier numérique

Il y a évidemment du bon et du moins bon à vouloir intégrer le numérique dans l’enseignement. Le débat est large, compliqué et passionnant. Persuadée qu’il n’est pas non plus pertinent de refuser intégralement l’utilisation de l’écran dans les apprentissages, je suis attentive à ce qui est proposé aux professeurs pour faire évoluer leur manière d’enseigner.

Le site IParcours propose des ressources pour les profs de français et de mathématiques. Davantage développé pour les mathématiques, il ne propose des activités interactives en français que pour la classe de 6° (pour le moment). Il faut évidemment acheter le cahier papier (5,50 Euros sur le site d’IParcours) ce qui donne accès à la version numérique du manuel (128 pages). Pour commencer, on peut tout à fait n’acheter qu’un seul cahier papier et ainsi en observer la pertinence en effectuant quelques photocopies pour les élèves. Quant à la version numérique, je trouve qu’elle peut apporter beaucoup de lisibilité en classe. Le professeur peut surligner, entourer directement au tableau ce qu’il veut mettre en avant, il peut projeter un exercice à faire, mais aussi projeter le corrigé, projeter le texte à étudier…. Par ailleurs une version DVD, installable de façon local, permet ensuite d’avoir accès à toutes les ressources sans connexion internet (quand on sait le nombre de fois où ça plante en classe, et cela quelque soit l’établissement, l’info n’est pas négligeable…).

Sur le site d’IParcours, deux vidéos sont intéressantes. La première explique l’utilisation en classe dudit cahier et de sa version numérique, elle est un peu rébarbative mais permet tout de même de bien voir les possibilités qu’offre cette ressource. La voici :

La seconde est plus intéressante : elle parle des pédagogies différenciées et propose une utilisation de ce cahier numérique comme soutien au développement de ces pédagogies différenciées (la classe en îlot par exemple ou bien la classe inversée dont j’ai à plusieurs reprises parlé sur ce blog). La voici :

On peut donc utiliser les avantages qu’apporte ce cahier numérique directement en le projetant au tableau, mais aussi, en salle informatique, en travaillant en petit groupe. L’élève peut travailler en autonomie… et le professeur se consacrer à l’explication individuelle, en passant d’un élève à un autre.

N’ayant pas testé concrètement cet outil je ne peux pas en dire plus mais j’avoue être séduite : j’envisage de l’essayer en classe.

Le lien direct vers les vidéos. 

Privé ou public et pédagogies alternatives ; une école différente pour mon enfant ?

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Choisir le privé ou le public

Je suis prof dans le public et je juge assez durement les parents autour de moi qui mettent leurs gamins dans le privé. D’autant plus que j’y ai été élève quelques années, que certaines de mes connaissances y enseignent, que j’en connais les tenants et les aboutissants. Je sais qu’un prof du privé use les mêmes bancs de l’université qu’un prof du public : ils ont les mêmes enseignants, suivent les mêmes formations, passent les mêmes concours (on nous demande simplement de cocher une case avant de passer les oraux du CAPES : « si tu es retenu, tu enseignes où ? privé ou public ? » Une fois que le choix est fait, on ne passe pas de l’un à l’autre). Les programmes sont les mêmes. Les profs du public et ceux du privé sont tous les deux payés par l’Etat. Les examens passés par les élèves du privé et du public sont identiques.

Mais qu’est-ce donc qui change ? me direz-vous. Une seule chose, je vous répondrai : la population des classes. Dans le privé, peu de chance pour que votre bambin se frotte à l’altérité. Il devrait aisément passer toute sa scolarité avec des gens qui lui ressemblent, qui viennent du même milieu que lui. Et si, tant bien que mal, vous parvenez, chez vous, à lui parler de différence, ce ne sera de toute façon qu’une notion toujours abstraite dans sa tête…

Oui, mais sans passer par la REP…

Et pourtant… pourtant j’ai conscience que dans le public, on trouve des établissements de niveaux différents. Lors d’un contrat en REP + (ancienne ZEP +++), j’ai été surprise d’entendre une prof d’art pla m’expliquer qu’évidemment la dernière de ses 4 enfants était elle aussi scolarisée en REP +, dans ce même collège où sa mère travaillait. Je connais l’ambiance de travail de ces classes, je sais que je n’aimerais pas y voir mon enfant. On y avance plus lentement et moins sereinement. Je préfère pour lui ou pour elle un collège du public certes, mais si possible de centre-ville… Je caricature mais ce que je veux dire par là, c’est que, prof oblige, je connais les niveaux de chaque établissement. Sans chercher à les scolariser dans le meilleur, j’aurais tendance instinctivement à éviter les REP et surtout les REP +.  Je ne suis pas du tout à l’aise avec cette réflexion. Je préférerais penser comme cette prof qui voit ses 3 grands réussir alors qu’ils sont tous passés par cette ZEP. J’y travaille…  D’autant que les REP et les REP +, il n’y en a pas tant. Dans l’idéal, il suffirait de les éradiquer en pratiquant le grand mixage social. Mais quand on voit que certains parents choisissent de payer plus cher leur appartement afin de rentrer dans la case « super établissement » de la carte scolaire… On se dit que vraiment, c’est mal barré. Personnellement, j’habite dans un arrondissement de Lyon où les deux collèges environnants sont en REP pour l’un et en REP+ pour l’autre. Techniquement…

Des pédagogies alternatives en maternelles et en primaires

Avant le collège et le lycée, il y a la maternelle et la primaire. Même combat pour moi : je privilégie instinctivement le public. Sauf pour les enfants en grandes difficultés (dyslexique, dysorthographique, etc.) qui peuvent trouver une vraie solution dans les écoles alternatives. Cependant, je m’intéresse énormément à Montessori (privé) mais pour une pratique à la maison, à la crèche ou après l’école dans un centre d’activité. De toute façon, les écoles maternelles Montessori sont trop chères ! (4000 ou 5000 euros l’année en moyenne…). Cependant encore, je trouve l’approche des écoles Montessori TRES intéressante : autonomie de l’enfant et découverte/apprentissage par l’expérience concrète, en manipulant. Heureusement, il est possible de trouver dans des maternelles PUBLIQUES ce même genre d’approche (quoi qu’un peu différente) : ce sont les classes Freinet, pédagogie validée par l’éducation nationale et donc intégrée dans les maternelles publiques (que certains profs décrient… je n’ai jamais vraiment compris pourquoi). Et ça peu de parents le savent…

Hier encore, une copine, maman d’un petit scolarisé à la maternelle (et probablement dyslexique), déplorait que la pédagogie Montessori ne soit pas accessible dans le public. « Mais il y a toujours Freinet » lui dis-je. Freinet, elle n’en avait jamais entendu parlé.

Il y a un livre qui permet de découvrir quasi toutes les pédagogies alternatives qui existent en France : Montessori, Freinet, Steiner, etc. … Une école différente pour mon enfant ?

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Ce livre, contrairement à ce qu’annonce son titre, devrait aussi être lu par tous les enseignants. C’est une mine de réflexions et d’interrogations pédagogiques. Pour les parents, il permet de comprendre la différence entre toutes ces pédagogies, de découvrir concrètement comment se passent les journées dans ces différentes écoles, d’obtenir des liens pour aller plus loin et un petit carnet d’adresses.

Montessori

Rendre la grammaire ludique pour les petits ... ça n'est pas si compliqué.

Rendre la grammaire ludique pour les petits … ça n’est pas si compliqué.

Je suis déjà conquise par Montessori en maternelle et en primaire. A l’école élémentaire par exemple, on apprend en manipulant du matériel pédagogique. En français, il s’agit essentiellement de très nombreuses petites boîtes contenant des étiquettes plastifiées que l’enfant manipule pour les placer correctement. Par exemple, une boîte renferme des mots masculins et féminins que l’enfant doit trier en deux tas ; une autre propose le même exercice avec des mots au singulier et au pluriel. Les petits sacs des « dictées muettes » contiennent des images (une balle, un râteau, un arrosoir…), l’enfant tire l’une d’elles et doit écrire le nom de l’objet. Les boites de mathématiques fonctionnent de la même façon. La manipulation permet de saisir concrètement en quoi consistent les opérations. L’apprentissage n’est jamais abstrait. La géométrie s’apprend en manipulant des solides en bois, on comprend les multiplications avec des bâtons de bois qu’on compte. Pour la géographie, des grands puzzles en bois représentant les continents ou les pays aident à mémoriser leur localisation, etc. Ce matériel est plus attirant qu’un exercice dans un manuel.

Freinet

Sur Freinet, qui est accessible dans le public je le rappelle, j’ai découvert des choses intéressantes. Notamment ce rapport à l’apprentissage concret, en manipulant, un peu à l’image de ce qui se passe dans les écoles Montessori.

Mais la méthode de lecture me pose un peu problème…. Comme beaucoup de prof de français, je suis partisan de la méthode syllabique d’apprentissage de la lecture, et il semble que les classes Freinet pratiquent la MNLE (méthode naturelle de lecture) c’est-à-dire la méthode globale… Dans le livre dont je parle ci-dessus, la MNLE est parfaitement défendue par l’auteur. N’ayant pas à enseigner la lecture à mes élèves (j’enseigne en collège et lycée), mon avis n’est pas tranché. Mais les neurosciences ont tout de même démontrée que la méthode syllabique restait la meilleure pour le cerveau du jeune enfant. Cependant, l’idée de la dictée faite au prof par les élèves dans la MNLE me plaît : chaque jour, pendant que les enfants travaillent en autonomie, l’enseignant prend un moment pour écrire les textes libres que lui dictent deux ou trois élèves. L’enfant recopie ensuite son texte dans son cahier, càd le texte qu’il a créé, puis le « lit » avec l’enseignant à la classe. Ainsi, l’enfant ne sait pas lire, mais comme il sait parler, il peut inventer un texte, le voir écrit puis « faire comme si » il le lisait…

 

Ce livre permet également de découvrir de multiples autres écoles alternatives pour le primaire, mais aussi pour le collège et le lycée, en privé, mais aussi et surtout en public (rares sont cependant les lycées alternatifs : il existe les lycées « épanouissement » et les lycées « responsabilisation » qui préparent tous deux activement au bac (l’un d’eux, situé à La Ciotat, ouvert en 2008, est un lycée Freinet public, le seul en France), et les lycées autogérés qui eux offrent plus de liberté et n’ont pas pour objectif l’examen ultime.

Par ailleurs, quelques pages du livre sont consacrées aux résultats des élèves ayant été scolarisés dans ces écoles alternatives. Mais ce sujet, peu traité par la recherche universitaire, m’intéresse tout particulièrement et nous y reviendrons dans un prochain papier.

Enfin, un chapitre est consacré à l’éducation à la maison. Sans vouloir y succomber (j’ai tendance à penser qu’il s’agit là d’un véritable sacrifice…), il donne de très bonnes idées et de bonnes pistes pour les temps passés avec les enfants à la maison après l’école.

 

CONCLUSION : Au-delà des écoles maternelles et élémentaires utilisant la pédagogie Montessori ou Freinet, au-delà de l’analyse de ces pédagogies pour les petits, ce livre ouvre également des perspectives pour des collèges et des lycées alternatifs. Mais il laisse cependant de nombreuses questions ouvertes : en quoi consistent exactement ces lycées et collèges alternatifs, quels sont les résultats de leurs élèves ? Ces établissements ne seraient-ils pas la solution pour les REP et les REP+ françaises (anciennes ZEP) ? Faut-il généraliser ces pratiques : quels sont les avantages et les inconvénients de tels établissements par rapport à un collège ou lycée dit classique ? La recherche en sciences de l’éducation a encore beaucoup à faire…