« L’école nouvelle » expliquée depuis ses prémices, en 1920 : un documentaire d’Arte à voir

Le film commence par la récitation de patriotisme, une leçon que tous les enfants récitaient alors chaque jour à l’école et où ils devaient dire vouloir devenir « un bon citoyen et un bon soldat ». Ces enfants là, ceux qui récitaient cette leçon, sont pour beaucoup morts sur le front à peine adolescents. L’école d’alors, qui voulait former des citoyens éclairés, forme aussi toute une société à l’obéissance, jusqu’au sacrifice. Assez de soumission, il faut rompre avec la vieille école, inventer une éducation nouvelle, pour un enfant nouveau, qui ne fera plus jamais la guerre. Des écoles laboratoires sont créées dès les années 1920 dans toute l’Europe. Ce documentaire sublime d’Arte rappelle que la mode des écoles Montessori, Steiner, Freinet ne date pas d’hier mais d’il y a un siècle, il retrace l’histoire de ce mouvement avec précisions et continue d’ouvrir la voie.

RDP1 : Revue de presse sur l’école et l’éducation du 13 au 20 août (avec dedans des créations d’école, des études compliquées, des Pokémons (si, si), des révélations sur le cerveau de l’enfant, du Télérama, du Monde et plein d’autres trucs…

Essayons d’instaurer un nouveau rituel ici : une revue de presse de ce qu’il se passe ou se dit dans le monde de l’école et de l’éducation, semaine après semaine. En d’autres termes, une série de liens à suivre pour rester informés des nouveautés et des évolutions de ce monde fascinant et qui entre (tout) doucement en mutation.

Revue-de-presse

Pour la RDP 1, quelques liens mais pas énormément non plus, on est au mois d’août et … au mois d’août, pas de violence, c’est les vacances !

  • La 3ème édition du festival du journal Le Monde : Agir, se tient du 16 au 19 septembre. Il y a évidemment un thème intitulé « Agir sur l’école ». Le programme, les intervenants et toutes les infos en cliquant ici. Avec tous les liens qu’il contient, ce programme est déjà une mine d’infos et d’idées nouvelles. Ca fait rêver.
  • Ce papier de Télérama explique qu’on a désormais la preuve que le cerveau d’un enfant varie en fonction de l’éducation et des pédagogies qu’on applique à son encontre. C’est fascinant et c’est ici. Un extrait qui me désespère non pas par ce qu’il dit, au contraire, il est plein d’espoir, mais parce qu’il va contre ma propre façon d’enseigner et le système que je fais subir aux enfants que je cherche à éduquer : « La question du stress, en tant qu’inhibiteur des acquisitions, n’est plus à démontrer. Il faut maintenant en tenir compte, faire par exemple en sorte que l’erreur soit reconnue comme une étape indispensable de l’apprentissage. La question de l’attention est un autre point à travailler en priorité : on n’avance pas si on continue de décider que ce jour-là, à cette heure-là, c’est telle chose qui sera apprise par tout le monde et rien d’autre. »
  • Un fonds de dotation dédié à la diversité éducative vient d’être créé par plusieurs associations et acteurs de l’éducation pour forcer le système à bouger. « La mission du Fonds Educations Plurielles est de soutenir et d’encourager les initiatives et les projets à caractère éducatif qui placent les valeurs humaines au centre de leur action et entendent contribuer au plein épanouissement des potentialités de chacun. » Pour moi dont l’idée d’ouvrir une école alternative travaille de plus en plus, ce fonds fait rêver… Il faudrait creuser pour comprendre mieux les tenants et les aboutissants de cette nouveauté. Je le ferai dans un prochain papier. En attendant, voici le site  d’Educations Plurielles pour les curieux.
  • Une psychologue et passionnée de neurosciences qui explique que la clef de la réussite scolaire tient en un mot : ténacité. Il s’agit d’une courte vidéo TED, expliquée et traduite par le site Papa Positive
  • Après L’école Dynamique et L’école autonome, une nouvelle école de type Sudbury (voir mon papier sur Summerhill qui ressemble aussi à ce type d’école dans le fonctionnement) ouvre ses portes en septembre à Paris ! Sur cette page de son site, elle donne de nombreux liens vidéos et le lien de deux blogs pour expliquer comment marchent ces 3 écoles « soeurs ».
  • Un papier intitulé « Qu’est-ce qu’un bon prof ? » qui remet en cause les idées des écoles nouvelles défendues souvent sur ce site en expliquant que l’apprentissage centré sur l’enseignement apprend plus à l’enfant que l’apprentissage centré sur l’élève lui-même, de façon positive et bienveillante. Bon… Plus étonnant, le papier a l’air de dire que, même au niveau de l’estime de soi et du développement social, la pédagogie non pas centrée sur l’élève mais sur les acquisitions apporterait des résultats davantage positifs. C’est intéressant. Très. Parce que ça met beaucoup de chose en perspective en citant de nombreuses études anglo-saxonnes. Notamment celle-ci que j’aimerais lire : « Interventions pédagogiques efficaces et réussite scolaire des élèves provenant de milieux défavorisés. Une revue de littérature »
    Chaire de recherche du Canada en formation à l’enseignement, université de Laval, Québec, avril 2004. Ce papier défend par ailleurs un modèle d’enseignement plus efficace que les autres (et qui n’est pas celui de l’éducation nouvelle…), cependant on parle de « résultats » et pas de valeurs ni de changement de société…
  • Et pour finir, pour coller à l’actualité…, un papier des Cahiers pédagogiques sur les POKEMON ! Si, si…. La pédagogie des Pokémons, à lire ici.

 

Summerhill : l’aventure  d’une école autogérée

 

A.S. Neill, psychanalyste et fondateur de Summerhill explique, alors qu’il écrit ce qu’il pense être son dernier livre Libres enfants de Summerhill, en 1960, qu’on ne connaît encore rien de la psychologie de l’enfant qui est une science alors neuve. Educateur, il s’est concentré toute sa vie sur la psychologie infantile et, malgré des années intensives de travail dans ce domaine, il admet connaître peu de choses. « Je suis certain toutefois que ceux qui ne s’occupent que de leurs propres enfants en connaissent moins que moi »[1]. Il explique que « c’est parce que [il] croit que l’enfant difficile est presque toujours amené à l’être par les insuffisances de son milieu familial que [il se] permet de [s’]adresser aux parents »[2]. La psychologie a pour but la guérison du mal de l’âme, l’âme voulant dire ici le siège des émotions. Par une éducation saine, selon A.S. Neill, on peut enrayer le mal. « A summerhill, les enfants sont guéris de ce mal de l’âme et ils sont élevés dans la joie »[3].

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L’idée fondamentale de Summerhill

Fondée en 1921 à 160 kilomètres de Londres, dans un village, cette école accueille (elle existe toujours) des élèves entre 5 et 16 ans. La plupart du temps, à l’époque de Neill, il y a 25 garçons et 25 filles. Les enfants sont divisés en trois groupes selon leur âge. Les petits de 5 à 7 ans, les moyens de 8 à 10 ans et les grands de 11 à 15 ans. Diverses nationalités s’y retrouvent. Les élèves sont logés sur place, par groupe d’âge, en général à plusieurs par chambres. Aucune inspection de chambre n’est prévue, personne ne range leurs affaires, ils portent les vêtements qu’ils souhaitent porter.

« Il est évident qu’une école où l’on force des enfants actifs à s’asseoir devant des pupitres pour étudier des matières inutiles est une mauvaise école. Une telle école n’est bonne que pour ceux qui croient à son efficacité, c’est-à-dire pour ces citoyens sans imagination qui veulent des enfants dociles, dénués eux aussi d’imagination et qui s’accommoderont d’une civilisation dont l’argent est la marque du succès. Summerhill a débuté un peu comme une expérience. Mais elle n’en est plus là; elle en est maintenant au stade de la démonstration, car elle a prouvé que l’éducation dans la liberté réussit. Lorsque nous avons ouvert l’école, nous avions, ma première femme et moi, une vision fondamentale : celle d’une école qui serve les besoins de l’enfant – plutôt que l’inverse. J’avais enseigné pendant bien des années dans des écoles traditionnelles. J’en connaissais donc la philosophie et je savais qu’elle était mauvaise. Elle était mauvaise parce que fondée sur une conception adulte de ce que l’enfant doit être et doit apprendre. Elle datait du temps où la psychologie était encore une science inconnue. Nous décidâmes donc, ma femme et moi, d’avoir une école où nous accorderions aux élèves la liberté d’expression. Pour cela il nous fallait renoncer à toute discipline, toute direction, toute suggestion, toute morale préconçue, toute instruction religieuse quelle qu’elle soit. Certains dirent que nous étions très courageux, mais en vérité nous n’avions pas besoin de courage. Ce dont nous avions besoin, nous l’avions: une croyance absolue dans le fait que l’enfant n’est pas mauvais, mais bon. Depuis presque quarante ans maintenant cette croyance n’a pas changé, elle est devenue une profession de foi. Je crois intimement que l’enfant est naturellement sagace et réaliste et que, laissé en liberté, loin de toute suggestion adulte, il peut se développer aussi complètement que ses capacités naturelles le lui permettent. Fidèle à cette logique, Summerhill reste un lieu où ceux qui ont les capacités naturelles et la volonté nécessaire pour devenir savants le deviendront, alors que ceux qui n’ont de capacités que pour balayer les rues les balaieront. Mais, à ce jour, nous n’avons produit aucun balayeur de rues. Cette dernière remarque est d’ailleurs dénuée de tout snobisme, car je préférerais voir sortir de nos écoles d’heureux balayeurs de rues que des savants névrosés. »[4]

A quoi ressemble Summerhill ?

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« Pourquoi j’ai créé une école où les enfants font ce qu’ils veulent… »

Voici le témoignage de Ramïn Farhangi. Il nous parle de « donner le pouvoir aux enfants… Tout le pouvoir de relever le plus grand défi de toutes vies humaines, celui d’être totalement indépendant et responsable de sa propre vie, pas seulement à l’age de 18 ans mais à tous les ages ». Il nous raconte l’histoire de l’école qu’il a créée dans le 13ème arrondissement à Paris. Il fait une proposition politique : remplacer la loi pour l’instruction obligatoire par la loi pour la liberté d’instruction. « Rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue » disait Victor Hugo. La vidéo dure 15 minutes et mérite le visionnage…

 

Montessori : A quel âge et pour qui ?

Je viens de finir L’Esprit absorbant de l’enfant, dernier et très bon livre de la scientifique et pédagogue Maria Montessori, et si j’en ai retenu de nombreuses leçons sur la façon d’éduquer et d’enseigner, cette lecture me fait également m’interroger sur la possibilité de mettre en place, dans nos écoles traditionnelles, une éducation basée entièrement sur la méthode montessorienne. En effet, alors que nous éduquons nos enfants à partir d’un système de notes, de classements et de compétitions, Maria Montessori aurait plutôt tendance à crier haro sur tout cela et à privilégier la vie en société et l’auto-correction de l’élève, sans zéro humiliant ou correction du professeur. Croyez-moi, quand on lit son livre et donc toutes les expériences qu’elle met en avant pour justifier sa théorie, on ne peut que l’approuver. C’est bien plus logique, pour un enfant qui n’a pas encore formé ni son caractère, ni son être social, de faire par lui-même, de s’auto-corriger, d’être simplement accompagné sans violence dans les mots ni demande frontale d’obéissance.

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La pédagogie Freinet : déjà validée par l’éducation nationale ! #lesaviezvous #nouvellepédagogie #écolemoderne

Célestin Freinet, c’est un instituteur qui s’est toujours interrogé sur les pratiques de son enseignement jusqu’à créer une nouvelle pédagogie que ses défenseurs considèrent comme la base de l’école moderne. Si beaucoup de monde connait le nom de Freinet, peu de gens savent que les écoles qui s’en réclament font partie des établissements de l’éducation nationale qui en valide les programmes.

Les individus moins informés sur ces pratiques novatrices, à l’époque de Freinet comme aujourd’hui, les dénigrent et les qualifient de « dangereuses ». Si la méthode Freinet est libertaire, elle n’est pourtant pas anarchiste : les enfants doivent suivre les règles de la vie en communauté, se respecter et respecter les autres, ils ont des corvées et des responsabilités. Pas de quoi fouetter un chat ! Par ailleurs, à ceux qui reprocheraient à la méthode Freinet de n’être pas assez compétitive pour préparer au monde dans lequel on vit adulte, pas assez productive en terme de savoir ; on pourrait répondre que de toute façon, comme je l’ai dit plus haut, la pédagogie Freinet ayant été « rachetée » par l’éducation nationale, les programmes sont les mêmes dans ces écoles et dans celles dites « classiques ». Il y a donc des établissements de l’éducation nationale, gérés par l’état, qui mettent en pratique la pédagogie freinet et rien d’autre (des écoles, des collèges, mais aussi des lycées). Ce qui change ? Ce sont simplement les façons d’apprendre, la manière d’engranger ce savoir commun à tous les enfants de l’école publique.

Freinet est, au début de sa carrière, instituteur dans une école communale classique. Déjà, il intègre dans son enseignement de petites révolutions, notamment l’imprimerie : il n’y a pas de manuels, l’élève produit des textes sur absolument tous les sujets envisageables puis il les imprime pour ses petits camarades. Mais la méthode Freinet engendre de nombreuses réactions négatives et l’instituteur est contraint de quitter l’éducation nationale.

freinet

Il ouvre alors une nouvelle école, à Vence, et y applique ses propres trouvailles pédagogiques. L’Ecole est payante, mais puisqu’elle accueille des enfants de tous les horizons (notamment les orphelins de la guerre d’Espagne) peu d’entre eux payent réellement le prix de la formation.

En 1944, Freinet rejoint la résistance et participe au comité départemental de libération de Gap. L’école Freinet qui avait été fermée pendant la guerre et l’occupation est réouverte en 1945 mais les attaques contre Freinet et sa pédagogie ne cesseront plus. Même les communistes qu’il soutenait se livreront à une véritable chasse aux sorcières contre lui. Freinet meurt en 1966. Sa femme Elise reprend la direction de l’école située à Vence. Elle fait perdurer toutes les innovations pédagogiques chères à Freinet, notamment les B.T (bulletin de travail) : une collection de petits fascicules portant sur UN sujet particulier et pouvant être fabriqués par qui le souhaite, s’il est spécialiste. Les enfants consultent ces B.T dès qu’ils ont l’idée de s’intéresser à un thème ou un sujet. Elle continue également la tradition du texte libre : tous les matins, les enfants rédigent un texte. Tous les textes sont lus et la classe choisit le meilleur d’entre tous, selon des critères subjectifs et un vote démocratique. Le texte est ensuite imprimé puis il devient une base de travail pour toute la classe : correction des fautes d’orthographe, recherche autour de thèmes liés au texte choisi, etc.

(J’ai l’intention de tester cette pratique du texte libre très vite avec mes secondes, j’en ferai le commentaire ici plus tard).

 L’école reste privée jusqu’en 1991 mais les réticences et la méfiance à son égard manquent de la faire couler. Un groupe de soutien se crée. On demande à l’état de réagir. En 1991, l’école Freinet est achetée par l’État sur ordre de Lionel Jospin, ministre de l’Éducation nationale. Depuis, cette école à régime expérimental préserve sa pédagogie spécifique. Elle constitue donc une référence mondiale, et un « modèle » à partir duquel on peut penser aujourd’hui la pratique de la pédagogie de Freinet.

Peu de parents savent pourtant qu’ils peuvent faire le choix de la pédagogie Freinet en inscrivant leurs enfants dans une école d’état qui pratique cette pédagogie différente et expérimentale.

Vous retrouverez la liste de ces écoles, collèges et lycée en cliquant ici. Attention cependant, cette liste répertorie toutes les écoles « différentes », il faut donc faire le tri entre les écoles privées (qui peuvent ne pas être sous contrat avec l’état et donc pas contraintes de respecter un programme particulier) et les écoles publiques, écoles d’état ayant fait le choix de pédagogies différentes.

Pour en savoir plus sur la pédagogie Freinet :

– le site de l’Institut Freinet

– le site de l’ICEM-Pédagogie Freinet

– Le film l‘Ecole buissonnière sur le site de l’Ina. Ce film raconte de façon romancée l’histoire de Freinet et de sa pédagogie. Le rôle de Célestin Freinet est interprété par Bernard Blier. Film datant de 1949.