Il paraît que Catherine Frot est tombée amoureuse du théâtre devant cette pièce de Beckett, Oh les beaux jours ! , lorsqu’elle avait 19 ans. A cinquante ans passés, elle a enfin l’âge du rôle et peut interpréter celui qui a aiguillé ses choix de vie.
Sublime interprétation, comme si le rôle avait été écrit pour elle. Le pari n’était pourtant pas gagné, parce que c’est Beckett … Du théâtre de l’absurde, épuré, immobile, qui traite avec ironie et noirceur de la condition humaine. Qui montre dans les silences, les répétitions et les citations lyriques ou obscures, combien le monde est … absurde.
Mais Frot est faite pour Beckett. C’est sa voix, vivante, chantante, son ton musical, ses mimiques et sa vivacité qui font que le rôle lui va comme un gant.
Dans Oh les beaux jours ! , Catherine Frot est Winnie, femme d’une cinquantaine d’années enfermée dans un mamelon, d’abord jusqu’à la poitrine, puis -dans le second acte-, jusqu’au cou. Coincée, immobile, elle doit supporter le soleil du désert et les journées qui passent, une par une, identiques, rythmées par un son qui indique quand il faut dormir, quand il faut se réveiller.
Winnie n’a pour seule compagnie qu’un sac rempli d’accessoires de première utilité (une brosse à dent, un peigne, un miroir …. un flingue qu’elle appelle « Brownie »), et un homme, Willie, qu’on voit à peine parce qu’il vit de l’autre côté du mamelon et ne parle quasiment pas, sauf par onomatopées.
Winnie est pleine de contradictions, elle alterne entre les phases d’angoisses marquées par les répétitions et les moments de pur bonheur, essentiellement quand elle tire quelque chose de la bouche de Willie. La mise en scène de Marc Paquien est envoûtante, comme un tableau impressionniste. Le spectacle qui dure 1h20 semble passer en quelques minutes.